Maire-info
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Édition du lundi 16 octobre 2023
Risques

Retrait-gonflement des argiles : un député appelle à un plan massif pour sortir de l'impasse  

Le rapport du député du Nord, Vincent Ledoux, qui vient d'être remis à la Première ministre, préconise un pilotage national du risque retrait-gonflement des argiles (RGA) et de mettre l'accent sur la prévention. Le parlementaire souhaite placer les maires au cœur du système. 

Par Bénédicte Rallu

« Imaginons que les dix millions de maisons individuelles potentiellement concernées par le risque retrait-gonflement des argiles (RGA), soit la moitié du parc français, cassent en même temps. Que fait-on ? On injecte du béton partout ? », interroge le député du Nord, Vincent Ledoux. Son obsession : adapter les maisons au changement climatique, ne plus laisser les sinistrés seuls face à ce qui est devenu un risque majeur (40% de la sinistralité, selon le parlementaire), faire de la prévention. Trois axes qui fondent son rapport RGA : n’attendons pas que ce soit la cata !, remis le 6 octobre à la Première ministre et présenté hier à la presse . « Il faut que ce rapport soit le dernier », prévient Vincent Ledoux. L’heure est à l’action.

La sinistralité augmente. Selon des chiffres de la fédération des assurances France assureurs cités dans le rapport, le coût cumulé du RGA pour la période 1989-2019 aurait été de 13,8 milliards d'euros. Mais les assureurs s’attendent à un triplement de cette charge pour la période 2020-2050 : 43 milliards d’euros, « sachant que le facteur changement climatique expliquerait à lui seul 17 milliards de cette hausse »...

A cela s’ajoute un bilan humain qui reste à évaluer (une préconisation du rapport) mais dont les exemples dramatiques et la multiplication d’associations ou de collectifs de sinistrés montrent déjà qu’il est énorme en termes que santé et de qualité de vie. Vincent Ledoux commence d’ailleurs son rapport par l’exemple d’une famille de la commune d’Halluin (Nord) qui a connu « sept ans de galère »  tant le processus d’indemnisation et de réparation s’avère long et compliqué ! « Le phénomène RGA s’accroît et coûte de plus en plus cher, provoquant des désastres dans la France des petits propriétaires », écrit-il. 

Qui plus est, le phénomène s’étend sur tout le territoire national, plus de la moitié de l’espace métropolitain étant déjà concerné.

Régime CAT-NAT à enrichir

Le régime Cat-Nat” (catastrophe naturelle) s’applique à ces sinistres mais se révèle être « d’une complexité effarante », pour le député. Néanmoins, Vincent Ledoux ne « veut pas sortir »  de ce régime, qui « doit être enrichi ». 

Tout d’abord en plaçant « le maire au cœur du système »  et en « dépassant le seul cadre assuré/assureur ». Il faut gagner en rapidité. « Lorsque le maire demande la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, il n’a pas forcément connaissance de l’ensemble des sinistres qui ont eu lieu sur sa commune, illustre le député. Les assureurs devraient pouvoir informer les maires. » 

Ensuite, un système national de relevés réguliers du taux d’humidité et de variation de cette humidité devrait être mis en place comme pour la météo avec Méteo France. La commission interministérielle qui décide des reconnaissances des états de catastrophe naturelle pourrait ainsi se prononcer plus rapidement et plus précisément. 

Autre recommandation : fixer un délai maximal pour le premier rapport de l’expert préalable à d’éventuelles études complémentaires (par exemple de maximum six mois à partir de la saisine de l’expert par l’assureur), puis un second délai pour la remise du rapport d’expertise définitif. 

Une carte des argiles plus précise

La centralisation de données devrait aussi conduire à dessiner une carte plus précise des argiles (jusqu’à la parcelle de terrain). Par exemple, en intégrant aux données BRGM, le service géologique national, des informations contenues dans les études géotechniques, devenues obligatoires avec la loi Elan lors de la vente de terrains constructibles.

Se pose aussi la question de la soutenabilité financière du régime Cat-Nat. Il sera difficile de se passer d’une augmentation du taux de la surprime additionnelle qui fonde ce régime, reconnaît le député. « Une hausse d’un point représenterait donc des ressources supplémentaires d’environ 150 millions d’euros pour un surcoût de moins de 2 euros en moyenne pour la prime multi-risques habitation annuelle d’un particulier », propose Vincent Ledoux. 

Mais il est indispensable d’accompagner les victimes du RGA au même titre que celles des autres catastrophes naturelles. L’Anah pourrait jouer ce rôle sur le plan technique. Sur le registre psychologique, le députe compte contacter France Victimes et demande aux assureurs « un peu plus d’empathie »  pour ces victimes. 

Un minimum de 100 millions d’euros par an pour le RGA

Un pilotage national de ce risque s’avère crucial, à l’image de ce qui existe pour les inondations, pour le parlementaire. Il nous faut créer « un électrochoc »  pour « construire une vraie politique publique du RGA ». Une coordination doit se faire au niveau interministériel avec la création « d'une task force, légère mais de haut niveau, assurant un lien constant avec les professionnels, s’appuyant sur un comité scientifique et sur un réseau territorial robuste », à savoir des « services déconcentrés de l’État en matière d’adaptation au changement climatique et de prévention des risques de catastrophe naturelle ». 

La planification écologique devrait flécher des fonds plus importants vers le RGA.  « C’est le moment, pour l’État, de changer de vitesse dans ce domaine – puisque le RGA représente 40 % de la sinistralité, par parallélisme 40 % des financements en matière de prévention et d’adaptation représenteraient un minimum de 100 millions d’euros par an pour le RGA ! », est-il écrit dans le rapport. 

La sensibilisation de tous les acteurs (politiques, techniques, experts, professionnels, population), une meilleure formation et information doivent contribuer à développer la prévention. Ainsi, lors de la construction d’une maison individuelle, il s’agirait de mieux connaître les techniques adéquates au regard du risque RGA. Pour les bâtiments existants, il est nécessaire de recenser et d’explorer toutes les techniques de « remédiation », c’est-à-dire d’adaptation. 

Nouveaux outils pour les victimes et les maires

Un plan massif doit permettre de mettre à disposition des victimes et des maires de nouveaux outils ou options : meilleure coordination des aides pour adapter les logements au changement climatique (via MaPrimeRenov’ par exemple), offrir la possibilité de reprendre les maisons dans des « projets immobiliers d’intérêt collectif, préservant la valeur pour les sinistrés, porteurs d’un intérêt écologique et fortifiant le bâti (densification) », intégrer le RGA dans les documents d’urbanisme. 

Plus particulièrement, le député estime primordial de « mieux informer les maires sur le phénomène RGA, ses implications pour l’aménagement territorial et sur leurs responsabilités dans le cadre du régime de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de la commune ». Il faudrait créer une obligation (sauf opposition des sinistrés) pour les assureurs de tenir informés les maires sur les suites données aux dossiers des sinistrés, à la suite de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour la commune. Et enfin avoir une réflexion plus globale et surtout plus cohérente des injonctions données aux maires entre par exemple le développements d’îlots de fraicheurs via la végétation (dont les racines ont un impact sur le sol) et la prévention du risque RGA. 

Vincent Ledoux est conscient que le chemin sera long. Mais il a promis « de ne rien lâcher »  pour que son rapport ait une suite opérationnelle. 

La question du RGA fera l'objet d'un point info au prochain congrès de l'AMF, mercredi 22 novembre au matin, en présence du député Vincent Ledoux. 

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