Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 31 octobre 2013
Interview

Jean Launay : « On ne peut pas gérer l'eau selon des frontières administratives ! »

Maire-Info
© Maires de France
Le député-maire de Bretenoux (Lot) et président du Comité national de l’eau, par ailleurs trésorier général de l'Association des maires de France, s'est récemment insurgé contre la baisse des crédits des Agences de l'eau programmée dans le projet de loi de finances 2014. Il s'en explique pour Maire info.

La semaine dernière, les députés ont voté un prélèvement de 210 millions d’euros sur les fonds de roulement des Agences de l’eau. Quel commentaire cette décision vous inspire-t-elle ?
J’ai déjà dénoncé cette pratique lorsqu’elle avait été employée du temps de la précédente majorité. Ce n’est pas une bonne pratique, tout simplement. C’est une solution de facilité. Je ne nie évidemment pas qu’il faille rééquilibrer les comptes publics, mais se servir des recettes des Agences de l’eau comme variable d’ajustement, ce n’est pas une bonne idée. Je connais l’argument qui consiste à dire que les Agences ont un fonds de roulement important, mais même ceci, il faut le nuancer : elles ne sont pas toutes dans ce cas. Pour certaines, cela va affecter les conditions de financement de leurs programmes d’investissement. N’oublions pas que l’argent de la politique de l’eau, c’est essentiellement de l’investissement. C’est donc de l’argent pour la croissance, pour les entreprises, pour l’emploi, qui ne sera pas mis dans le circuit.

Comme l’a dit l’AMF la semaine dernière, vous estimez important de sauvegarder le modèle français de gouvernance de l’eau ?
Absolument. Cette gouvernance, qui date de la loi de 1964, a anticipé à la fois la décentralisation et la directive cadre européenne sur l’eau. Elle est fondée sur une réflexion par bassins versants. C’est sa force. Le débat de la recentralisation budgétaire, au nom de l’universalité du budget, cette façon de considérer que des redevances, c’est de la fiscalité à affecter au budget de l’État, est une vision jacobine et recentralisatrice des choses. On ne peut pas gérer l’eau selon des frontières administratives ! L’eau coule, elle traverse les départements et les régions… Il faut inventer le droit qui va avec – et on est en train de le faire, avec les établissements publics territoriaux de bassin qui prennent peu à peu leur place dans l’arsenal réglementaire, tout comme les établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau, ou la prise en compte des sous-bassins versants. Le maillage des territoires par des syndicats mixtes intègre non seulement le petit cycle de l’eau mais, de plus en plus, la question des milieux aquatiques et de l’environnement au sens large. Le droit est en train d’évoluer, sur la base des réalités du territoire, et c’est une bonne chose.

L’acte III de la décentralisation va-t-il dans le bon sens, de ce point de vue ?
La difficulté est que le texte a été « saucissonné »  en trois textes… on parle un peu de gestion de l’eau dans le texte sur les métropoles, un peu plus dans celui sur les départements et les régions – puisqu’il est envisagé, depuis la Conférence environnementale, que les régions soient chefs de file des politiques de l’eau ; on en parlera plus encore dans le troisième volet, sur les communes et les EPCI. Je crois que les choses vont dans le bon sens, la carte de France de la gestion de l’eau est en train de se parfaire. Mais, je le répète, ne mettons pas en cause les grands bassins versants. C’est à l’intérieur de ces grands bassins qu’il faut à présent chercher les maîtres d’ouvrage les plus judicieux possible.

Propos recueillis par Franck Lemarc

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2