Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 10 novembre 2016
Laïcité

Crèches de Noël en mairies : le Conseil d'État appelle à juger au cas par cas

Est-il légal, au regard de la loi de 1905, d’installer une crèche de Noël dans l’enceinte d’une mairie ? La décision très attendue du Conseil d’État sur cette question est tombée hier. La réponse est si nuancée – et si complexe – qu’il n’est pas facile de dire s’il s’agit d’un « oui, mais… »  ou d’un « non, mais… ».
Que dit le Conseil d’État ? D’abord, que si le caractère religieux d’une crèche est prouvé (« si elle exprime la reconnaissance d’un culte et une préférence religieuse », dit précisément la décision), alors elle n’a pas sa place dans un bâtiment public – loi de 1905 oblige. Sauf que, juge le Conseil d’État, on ne peut affirmer, dans tous les cas, qu’une crèche présente « un caractère religieux », en raison de « la pluralité des significations des crèches de Noël ». Selon la plus haute juridiction administrative, il faut donc se demander d’abord si une crèche installée a ou non un caractère religieux avant de prendre une décision. Si celui-ci n’est pas prouvé, l’installation de la crèche peut être légale au regard de la loi de 1905.
On peut à bon droit se demander dans quels cas une crèche de Noël – qui représente en général Jésus, Marie et Joseph – peut ne pas avoir de caractère religieux. Réponse du Conseil d’État : « Si elle présente un caractère culturel, artistique ou festif ». Dans ce cas, une crèche peut légalement être installée y compris « dans l’enceinte des bâtiments publics sièges d’une collectivité publique ».
Il faut en effet noter que le Conseil d’État distingue « entre les bâtiments publics qui sont le siège d’une collectivité publique ou d’un service public et les autres emplacements publics ». Dans le premier cas (mairies ou hôtels de département par exemple), une crèche ne peut être installée « sauf si des circonstances particulières permettent de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif ». Dans le second cas (« autres emplacements publics », donc une place ou une rue, par exemple) : « En raison du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, l’installation d’une crèche par une personne publique ne méconnaît pas le principe de neutralité, sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse. » 
Reste à savoir comment déterminer si une crèche de Noël possède un caractère « culturel, artistique ou festif ». Les juges de la place du Palais-Royal donnent quelques indications : « Tenir compte du contexte dans lequel a lieu l’installation, des conditions particulières de cette installation, de l’existence ou de l’absence d’usages locaux et du lieu de cette installation ». On le voit, cette décision ouvre certainement la voie à autant de conflits juridiques qu’il existera de situations. Dans chaque cas, partisans et adversaires des crèches de Noël auront à prouver que telle crèche correspond ou non à un « usage local »  ou qu’elle a ou non un caractère « artistique »  ou « festif ».
Voilà pour le jugement sur le fond. Mais le Conseil d’État a également rendu deux décisions sur les deux cas précis qui avaient fait l’objet, en octobre 2015, de deux arrêts de cour administrative d’appel totalement contradictoires. Il s’est donc prononcé sur l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris, qui avait déclaré illégale l’installation d’une crèche dans l’enceinte de l’hôtel de ville de Melun (Seine-et-Marne) et sur celui de la cour administrative d’appel de Nantes, qui avait, au contraire, jugé légale une crèche installée dans l’hôtel du département de la Vendée.
Le Conseil d’État, en toute logique, applique ses propres décisions à ces cas d’espèce.
À Melun, l’examen du dossier révèle que « l’installation de la crèche ne résultait d’aucun usage local et n’était accompagnée d’aucun élément marquant son inscription dans un environnement artistique, culturel ou festif ». En conséquence, le Conseil d’État déclare cette crèche illégale. Mais comme rien n’est simple, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris qui avait, elle aussi, déclaré cette crèche illégale, est cassé par le Conseil d’État ! En fait, le Conseil d’État reproche à la cour administrative d’appel de Paris d’avoir pris une décision trop générale, en jugeant que le principe de neutralité « interdit toute installation de crèche de Noël ».
Décision similaire pour la situation en Vendée, où la cour administrative d’appel avait rendu un avis contraire : mais là encore, elle l’a fait en général, « sans examiner si l’installation résultait d’un usage local »  ni chercher un éventuel « caractère culturel, artistique ou festif ». Le Conseil d’État casse donc l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes et lui renvoie l’affaire.
On le voit, le Conseil d’État entend privilégier systématiquement le cas par cas.
F.L.

Accéder à la décision du Conseil d’État, la décision concernant Melun, la décision concernant la Vendée.

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