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Édition du lundi 25 juin 2018
Lois

Projet de loi Pacte : ce qui concerne les collectivités

Le projet de loi Pacte (relatif à la croissance et à la transformation des entreprises), présenté la semaine dernière en Conseil des ministres, est enfin disponible en intégralité et avec son étude d’impact, sur le site de l’Assemblée nationale. S’il est tourné essentiellement vers les entreprises, plusieurs des mesures envisagées auront un impact sur les collectivités.
Ce très volumineux projet de loi (73 articles pour l’instant) poursuit divers objectifs de simplification, de réforme fiscale, de dématérialisation, de modification de la gouvernance de certains organismes financiers, et prévoit plusieurs privatisations.

Les modifications de seuil
L’un des points importants de ce texte concernant les collectivités est l’article 6, relatif aux seuils d’effectifs. Il s’agit de « rationaliser et simplifier »  les seuils, jugés trop nombreux, trop complexes et « source d’anxiété pour les chefs d’entreprise ». Le gouvernement a recensé 199 dispositions impactées par les seuils d’effectifs (moins de 11 salariés, entre 20 et 50, plus de 250, etc.) dans les différents codes actuels. L’étude d’impact du projet de loi note qu’en plus des seuils fixés par la loi, des seuils supplémentaires peuvent être fixés y compris par les collectivités : par exemple, elles peuvent accorder une exonération de CFE pour les « jeunes entreprises innovantes »  de moins de 250 salariés.
Le projet de loi vise d’une part à diminuer le nombre de seuils ; et d’autre part à créer un nouveau dispositif permettant de limiter les effets de seuil : une obligation liée au franchissement d’un seuil ne prendrait effet qu’au bout de la cinquième année consécutive où ce seuils reste franchi. Par exemple, une entreprise qui passerait de 10 à 11 salariés ne serait pas assujettie au versement transport (VT) dès la première année, mais uniquement si elle maintient ce chiffre de 11 salariés pendant cinq années.
Le gouvernement indique que cette mesure va impacter « défavorablement »  les collectivités en matière de recettes du versement transport. La perte serait de 15 millions d’euros en 2022, 45 millions en 2023, puis environ 30 millions en régime de croisière. Notons également que les finances publiques se verraient privées d’environ 80 millions d’euros par an au titre du Fnal (Fonds national d’aide au logement). Pour les entreprises, ces mesures seraient nettement plus agréables, puisqu’elles leur rapporteraient environ 500 millions d’euros par an.
Au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), l’AMF a logiquement émis des « réserves »  sur ces dispositions, dans la mesure où elles représenteront une perte de recettes pour les collectivités, tout en notant que la perte de 30 millions d’euros sur le VT reste marginale par rapport au montant total des recettes de cette taxe (8,5 milliards d’euros, selon l'étude d'impact).

Réduction de la durée des soldes
Le projet de loi prévoit la réduction de la durée des soldes d’hiver et d’été de 6 semaines à 4 semaines chacune. Visant à « redynamiser »  les soldes, la mesure s’inscrit dans la volonté du gouvernement de « revitaliser les centres-villes ».

Nouveau dispositif « Esus » 
Le dispositif Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale) va être « amélioré ». Rappelons qu’une entreprise bénéficiant d’un agrément Esus peut bénéficier des fonds issus de l’épargne solidaire. Mais le gouvernement estime que les critères permettant de délivrer l’agrément sont aujourd’hui « obscurs »  et trop restrictifs. Ils devraient donc être élargis. L’impact devrait toutefois être « marginal »  pour les collectivités, dans la mesure où celles-ci utilisent encore « très peu »  l’agrément Esus « comme outil de sélection des entreprises dans le cadre de leur politique d’achat ».

Véhicules autonomes
L’article 43 prévoit d’étendre et simplifier les expérimentations de véhicules autonomes. Il est indispensable, juge le gouvernement, de passer à la vitesse supérieure et d’expérimenter « la diversité des cas d’usage », sur l’ensemble des territoires (« urbains, périurbains et ruraux » ). Le texte prévoit notamment la possibilité de mener des expérimentations avec « des conducteurs non experts »  et d’autoriser les expérimentations de véhicules autonomes de transport public sur les voies réservées aux transports collectifs. Le gouvernement note que les collectivités territoriales sont très demandeuses de ces expérimentations, et souhaitent en être « des acteurs actifs ».

Privatisations
Parmi les privatisations annoncées dans le texte (dont celle d’Aéroports de Paris), l’une retiendra particulièrement l’attention : celle de la Française des jeux (FdJ). On sait en effet que cette entreprise reverse aujourd’hui à l’État une part significative des mises, qui permettent, notamment, de financer l’activité du CNDS (Centre national de développement du sport). En 2016, ce sont ainsi 3,12 milliards d’euros qui ont été versés à l’État par la FdJ – dont 80 millions d’euros sont allés au CNDS. Le projet de loi Pacte autoriserait « le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la Française des jeux ». Cette privatisation devrait faire, sous six mois, l’objet d’une ordonnance. Mais dans l’étude d’impact, le gouvernement précise qu’il fera en sorte, dans la prochaine loi de finances, que le cadre fiscal « garantira à l’État un niveau de rémunération au moins égal à celui en vigueur ». Les 3 à 3,5 milliards reversés à l’État devraient donc subsister, sans que l’on sache aujourd’hui, au moment d’une vaste redistribution des cartes sur la gouvernance du sport, qui va en bénéficier.

Facturation électronique
Le projet de loi annonce une ordonnance visant à transposer la directive européenne facturation électronique (2014/55/UE). Cette dernière impose à tous les États membres d’adopter avant la fin novembre 2018 une norme unique pour les factures électroniques, notamment pour les acheteurs publics. Les collectivités seront donc concernées au premier chef. Cette ordonnance sera prise dans les six mois suivant la promulgation de la loi Pacte et fera l’objet d’une étude d’impact spécifique.

Ce projet de loi a été transmis à une commission spéciale chargée de son examen, à l’Assemblée nationale. Il n’est pas à l’ordre du jour déjà surchargé de la session du mois de juillet, et ne devrait donc pas être examiné avant la rentrée.
F.L.
Télécharger le projet de loi Pacte.

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