Maire-info
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Édition du lundi 11 décembre 2023
Jeunesse

La ministre des Solidarités annonce des travaux d'intérêt général pour les « parents défaillants »

La ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, entame aujourd'hui un « tour de France des parentalités » et a annoncé, hier, plusieurs mesures à la fois pour « accompagner » et sanctionner les parents d'enfants qui commettent des délits. 

Par Franck Lemarc

Mesure « indigne »  pour les uns, « indispensable »  et « salutaire »  pour les autres. C’est encore un sujet particulièrement clivant qu’a lancé hier Aurore Bergé en annonçant la mise en place de travaux d’intérêt général pour ce qu’elle appelle les « parents défaillants ». 

Hausse des moyens de la CAF

Dans une interview à La Tribune dimanche, la ministre a dévoilé quelques-unes des mesures que le gouvernement envisage en réponse, notamment, aux violences urbaines de la fin juin. Des mesures fondées sur un mélange « d’accompagnement »  –  puisque la ministre estime que « nous ne pouvons pas nous passer des parents, ni faire sans eux, ni contre eux »  – et de sanctions. 

Côté accompagnement, la ministre reconnaît qu’il peut y avoir des parents « dépassés et déboussolés », et que ceux-ci ne doivent pas être « les oubliés de nos politiques publiques ». Il s’agit donc « d’accompagner ceux qui se sentent seuls face à des moments de bascule, d’angoisse ». Si ces mesures d’accompagnement ne sont pas extrêmement détaillées par la ministre, on retiendra l’annonce d’une augmentation « de 30 % des moyens de toutes les CAF pour le soutien aux parents », « dès 2024 et jusqu’en 2027 ». 

Par ailleurs, une commission présidée par un psychiatre, Serge Hefez, et une experte de la question de la jeunesse, Hélène Roques, va être constituée, avec « des démographes, des magistrats, des pédopsychiatres, des philosophes », et la mission de rendre des propositions concrètes sous six mois pour « épauler les parents »  confrontés à de la violence chez leurs enfants, par exemple. 

Flou juridique

Mais la ministre souhaite aussi « responsabiliser »  les parents qu’elle appelle « défaillants », dans la droite ligne des propos tenue par Élisabeth Borne, après les émeutes de juin. La Première ministre avait alors déjà évoqué des peines d’intérêt général pour les parents d’enfants ayant commis des dégradations, ou la prise en charge financière de celles-ci par les parents. 

Confirmation d’Aurore Bergé dans La Tribune : « Nous mettrons en place des travaux d’intérêt général pour les parents défaillants, (et) le paiement d’une contribution financière pour les parents coupables de dégradations, auprès d’une association de victimes ». Par ailleurs, la ministre a annoncé « une amende pour les parents ne se présentant pas aux audiences concernant leurs enfants ». 

Ces annonces restent maintenant à détailler – et de nombreux spécialistes de ces questions, qu’ils soient juristes, psychologues ou éducateurs spécialisés, posent de multiples questions depuis hier, à commencer par celle-ci : comment sera définie la notion de « parents défaillants », qui n’est pas une catégorie juridique ? Pour qu’une peine de travaux d’intérêt général puisse être prononcée par un juge, il faut bien qu’un délit soit créé dans l’arsenal judiciaire, et l’on voit mal aujourd’hui à quoi pourrait ressembler ce délit de « défaillance ». On peut donc supposer qu’un projet de loi va être déposé par le gouvernement sur ce sujet. 

Quant à la mesure sur le paiement des dégâts par les parents, elle interroge nombre de juristes, qui rappellent que la responsabilité civile des parents pour les actes dégâts occasionnés par leurs enfants existe depuis toujours. Quant à la responsabilité pénale, elle existe également, à l'article 227-17 du Code pénal, qui dispose que « le fait, pour le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre (...) la moralité ou l'éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ». 

Clivages

En attendant, l’annonce provoque au moins autant de critiques que de louanges. De nombreux avocats se sont dits choqués de cette mesure, dans les médias, estimant qu’un accroissement des moyens de l’assistance éducative, par exemple, serait nettement plus salutaire. 

À la gauche de l’échiquier politique, on dénonce une mesure « anti-pauvres », « stigmatisante », « paternaliste »  ou « indigne ». À droite, la mesure est plutôt bien accueillie, par exemple par Xavier Bertrand ou Christian Estrosi (« c’est une mesure que j’attends depuis longtemps » ). Le RN, quant à lui, a critiqué la « mollesse »  de cette mesure. 

Reste à savoir à présent ce qui sortira des travaux de la commission nommée par le gouvernement, dont le président, Serge Hefez, ne semble lui-même pas totalement convaincu des mesures prônées par la ministre, puisqu’il a expliqué hier, dans plusieurs interviews, qu’il jugeait plus important de « soutenir et aider les familles »  plutôt que de les « réprimander »  et « punir ». 

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