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Édition du mercredi 8 mars 2017
Interview

Françoise Descamps-Crosnier : « Les écarts de rémunération dans la fonction publique entre les femmes et les hommes tournent autour de 19 % »

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© D.R.
Hasard du calendrier, la députée des Yvelines, Françoise Descamps-Crosnier, remet aujourd'hui, journée pour le droit des femmes, son rapport sur « les inégalités de rémunération et de parcours professionnels entre les femmes et les hommes dans la fonction publique ». Elle revient pour Maire Info sur les principaux constats et sur quelques unes de ses 55 recommandations.

Ce rapport vous a été commandé par le Premier ministre l'été dernier pour identifier les discriminations dans le système de promotion de la fonction publique qui expliqueraient les écarts de traitement et de pension entre les hommes et les femmes. Ces écarts sont-ils importants ?
Les écarts de rémunération sont très significatifs. Ils tournent autour de 19%. Cela dépend bien sûr des filières, des métiers, mais nous sommes toujours entre 11 à 20% selon les versants de la fonction publique, territoriale, hospitalière ou d’État. Ces écarts augmentent avec l'âge mais se creusent aussi davantage dans la première partie de carrière, autrement dit quand la femme assume tout, notamment les enfants.

Pourtant, le système indiciaire de la fonction publique ne distingue a priori pas homme et femme dans le calcul de la rémunération. Où sont les failles ?
Parmi les principaux facteurs, il y a bien sûr l'offre du travail comme le temps de travail partiel. S'ajoutent la ségrégation professionnelle, autrement dit le fait que des métiers sont plus féminisés, la différence d'âge et la localisation des postes. Il y a des métiers, comme des filières, plus féminisés où les carrières sont plus courtes et débutent avec un traitement plus faible. C’est le cas des Atsem ou des bibliothécaires qui n'ont qu'un grade et pas de possibilité de débouchés. J'ai aussi beaucoup entendu que les femmes « ne s'autorisaient pas à ». Il y a donc aussi une explication culturelle, avec des comportements différents, induits par une éducation différenciée dans la famille et à l'école. On demande toujours plus aux filles d'être sages et aux garçons d'oser.

Une étude de l’université de Caen montre que les primes accentuent les inégalités de rémunération dans la territoriale pour la catégorie C. Comment le corriger ?
En général, effectivement, le régime indemnitaire ne compense pas mais amplifie les différences. Il faut donc intervenir sur les évaluations. Il y a en effet des compétences qui ne sont pas forcément reconnues comme telles. La femme est prétendue douce et maternelle. C'est une représentation. Dès lors, cela n'apparait pas dans les compétences des métiers de la petite enfance. C'est pour cela que je demande une gestion plus professionnelle des ressources humaines, y compris de l'évaluation, pour éviter des évaluations différenciées suivant qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Je demande aussi plus de transparence. C'est ce qui permettra d'aller vers plus d'égalité.

Vous parlez aussi de revoir les promotions, car le taux de promotion est toujours plus favorable pour les hommes que pour les femmes ?
Je demande une analyse précise des promotions femmes/hommes afin de vérifier s’il y a discrimination et, le cas échéant, en rechercher les causes. J'ai repris cette recommandation proposée par la Fédération nationale des centres de gestion qui a commencé à mener ce type d'analyse.

Et du côté des collectivités, qu'a changé l'obligation d'un rapport sur l'égalité entre les hommes et femmes ?
C'est effectivement une obligation pour les villes et les intercommunalités de plus de 20 000 habitants, mais c'est très peu respecté, et lorsque cela l'est, c'est généralement mal fait. Plutôt que de renforcer cette obligation, il m'a semblé plus pertinent que l'on complète un autre document, le bilan social, par un volet relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais pour éviter que cela ne passe inaperçu, je propose que ce bilan social soit présenté au conseil municipal, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Certains métiers sont quasi exclusivement féminins, comment modifier la donne ?
Ces métiers féminisés sont en général des métiers dévalorisés. Cela pourrait changer en reprenant l'idée, soutenue par le Défenseur des droits, « d'un salaire égal pour un travail de valeur égale ». Prenons deux métiers, infirmière et gendarme : ce ne sont pas les mêmes métiers, mais l'un a-t-il une valeur moindre que l'autre ? Non. Est-il normal que la progression de carrière soit plus importante pour l'un que pour l'autre ? Non plus. Donc changeons cela. Le Défenseur des droits est prêt à y travailler. Nous y aurions tous intérêt.
Propos recueillis par Emmanuelle Stroesser

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