Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 20 novembre 2019
Congrès des Maires de France

Forum urbanisme : artificialisation des sols et coût du foncier au coeur des débats

« Construire après la loi Élan », tel était l’intitulé du forum organisé hier dans le cadre du Congrès des maires, animé par Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour (Cantal), président de Saint-Flour communauté, président de la commission Aménagement et urbanisme de l’AMF, et Pierre Ducout, maire de Cestas (Gironde), président de la communauté de communes Jalle Eau Bourde, et rapporteur de cette même commission. 

« La loi Élan n’a qu’un an : c’est un peu court pour un bilan » 
Alors que certains décrets d’application de la loi sont encore attendus, la question qui se pose pour Vincent Le Grand, maître de conférence en droit public à l’université Caen-Normandie, conseiller municipal et membre du Gridhau (Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat), est plutôt celle de l’évolution du droit de l’urbanisme – « oscillographe de la politique ». « Auparavant, le droit accompagnait l’expansion urbaine. La focale a changé : la lutte contre l’étalement urbain revient au premier plan ».  Des alternatives à la consommation foncière, telles que la réhabilitation et la densification, sont désormais prônées, de même que la lutte contre la vacance des bâtiments est devenue une priorité du gouvernement.

« Trouvez-moi une pâture, et ça ira » 
Si la loi Élan était une « loi de tempérament »  selon Vincent Le Grand, le principe « zéro artificialisation nette »  (ZAN) visant à préserver les espaces naturels, agricoles et forestiers, est devenu un mantra dans les préfectures depuis la publication d’une circulaire dédiée le 29 juillet dernier. Un changement de méthode et une « logique administrative descendante », déjà expérimentés par certains élus, à l’instar de David Nicolas, maire d’Avranches (Manche), pour qui cette circulaire « a tourné la tête de tous les maires ». Après avoir organisé une large concertation dans le cadre de l’élaboration de trois PLUi , prévu une « charte de bocage »  pour compenser les espaces urbanisés, le préfet a délivré un avis défavorable. Une « mauvaise surprise »  qui a un coût, évalué par l’élu à 800 000 euros, sans compter l’ingénierie déployée…
Isabelle Kerkhof, maire de Coudekerque-Village (Nord) a également fait les frais de cette nouvelle orientation, dont l’objectif louable nécessiterait plus de pédagogie et d’échanges entre les acteurs. « Trouvez-moi une pâture, et cela ira », lui aurait répondu la Direction départementale des territoires au vu du PLUi. Résultat : « On a perdu deux ans et 100 000 euros », résume-t-elle. 
« Les préfets ont peur de ne pas en faire assez », commente Pierre Ducout. « Tous les maires sont pour la compensation environnementale, mais il faut trouver un « juste équilibre »  et respecter le principe de proportionnalité fixé par le droit de l’environnement lui-même. 

Maîtrise des coûts du foncier
Si la ZAN ne doit pas faire peur, selon Patricia Dubois, responsable du service stratégie, EPF Nord Pas-de-Calais (Pas-de-Calais), il n’en reste pas moins que les besoins en foncier sont d’autant plus criants. Jean-Luc Lagleyze, député de Haute-Garonne, président de la Commission Aménagement et Politique foncière de Toulouse Métropole, présent lors du forum, vient de remettre en ce sens un rapport sur la maîtrise des coûts du foncier, comprenant 50 recommandations. Premier objectif : créer un nouveau droit de propriété fondé sur la dissociation entre le foncier et le bâti, en étendant le dispositif des organismes de foncier solidaire (OFS), amélioré par la loi Élan. Reprenant une partie du rapport, une proposition de loi « visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logements accessibles aux Français »  sera présentée le 28 novembre. 
Une piste importante, pour Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable DGALN/DHUP, au Ministère de la Transition écologique et solidaire, pour qui « la question foncière n’est pas que technique ou juridique, mais aussi politique, et interroge notre attachement au sol et façonne nos comportements en matière de vivre-ensemble ». 
De son côté, Pastèle Soleille, sous-directrice de la qualité du cadre de vie DGALN/DHUP, a développé les différentes pistes du chantier qu'elle mène et qui vise à simplifier la hiérarchie des normes en matière d'urbanisme, lesquelles pourraient venir répondre aux souhaits exprimés par les élus en proposant de nouveaux outils de dialogue et d'intégration dans le droit de l'urbanisme des différentes politiques sectorielles.
Dans cette période de mutations sociales et environnementales, de fortes attentes autour de la mobilité, « tout le monde a en tête qu’il faut se mettre autour d’une même table pour avoir des solutions », rappelait Pierre Jarlier dans son propos introductif, estimant l’approche intercommunale en matière d’urbanisme « indispensable ». Avec une minorité de blocage des maires, pour Pierre Ducout, estimant que « l’urbanisme doit rester de leur compétence. Dans le dialogue, la diversité, et l’équilibre ».


Caroline St-André

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