Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 29 mai 2018
Vie publique

Réforme des institutions : des questions encore sans réponse

Presque une semaine après la présentation en Conseil des ministres des deux projets de loi organique et ordinaire sur la réforme des institutions, les études d'impact et les avis du Conseil d'État concernant ces textes sont désormais disponibles sur le site de l'Assemblée nationale. Et ils contiennent quelques précisions intéressantes.
Rappelons que ces deux textes (lire Maire info du 24 mai) comprennent en particulier la limitation du nombre de mandats locaux dans le temps et l'organisation des prochaines élections législatives sous la forme de deux scrutins : sur les 404 députés qui seraient élus en 2022 – puisque le nombre de siège serait réduit d'un tiers – 343 le seraient classiquement, c'est-à-dire au scrutin uninominal à deux tours, par circonscription ; et 61 le seraient via un scrutin proportionnel. Il faudrait donc organiser dans les communes un double scrutin le jour du premier tour, avec deux urnes différentes. Concernant les conséquences financières pour les communes, l'étude d'impact est parfaitement claire : elles seraient entièrement prises en charge par l'État. L'étude d'impact rappelle que les dépenses des communes pour l'organisation des élections législatives s'élèvent en général à une quinzaine de millions d'euros. Pour 2022, « il sera proposé une augmentation substantielle ». Mieux : il sera procédé à « un versement anticipé dès le début de l'exercice budgétaire » afin que les communes n'aient « aucun effort de trésorerie à produire ». En revanche, il est une question à laquelle l'étude d'impact ne répond pas : l'organisation de ce double scrutin nécessitera-t-elle de doubler aussi le nombre de tables, et donc d'assesseurs ? Cela pourrait représenter une difficulté majeure pour les communes qui, on le sait, ont déjà les plus grandes difficultés à trouver, les jours de vote, un nombre suffisant d'assesseurs. La question reste aujourd'hui ouverte.
Au passage, on peut noter que le gouvernement ouvre relativement discrètement une petite brèche sur la question sensible de la dématérialisation de la propagande électorale. Depuis des années, les gouvernements successifs tentent d'imposer la fin de l'impression des circulaires électorales sur papier et leur remplacement par une consultation sur internet. Rappelons que l'AMF s'y est toujours fermement opposée. La tentative a été faite plusieurs fois lors des votes du budget – toujours repoussée par les députés – et la mesure a été introduite dans plusieurs projets de loi du nouveau gouvernement. Sans jamais aller jusqu'au bout. Mais voilà que dans le projet de loi ordinaire sur la réforme des institutions, le gouvernement instaure la dématérialisation de la propagande électorale, uniquement pour la partie des élections législatives qui se jouera à la proportionnelle. Dans son avis, le Conseil d'État juge qu'il n'y a « pas d'obstacle constitutionnel » à cette décision. La « possibilité physique » d'accéder aux circulaires serait assurée par l'affichage de celles-ci en mairie. Le Conseil d'État exige toutefois que les circulaires soient affichées à « l'extérieur des mairies » pour pouvoir être consultées à toute heure.
Il sera intéressant de constater, à l'avenir, si cette mesure constitue une sorte de galop d'essai et fait partie des « expérimentations avant généralisation » chères au nouveau gouvernement.
Enfin, le Conseil d'État s'est exprimé sur la limitation à trois mandats successifs maximum. Sans faire preuve d'un enthousiasme excessif, il valide toutefois la mesure. Il s'agit bien, note le Conseil d'État, d'un nouveau cas d'inéligibilité : le maire, le président d'EPCI, le parlementaire, etc., au bout de trois mandats successifs, deviendra de fait inéligible, le temps d'un mandat. Les juges rappellent que l'inéligibilité doit à la fois répondre à « un motif d'intérêt général » et respecter « la liberté de l'électeur ». Il est certes problématique, souligne le Conseil d'État, « d'interdire aux électeurs de renouveler leur confiance à des personnes auxquelles elles ont accordé leur suffrage à plusieurs reprises » – ce que l'AMF souligne également dans ses prises de position sur le sujet. Mais a contrario, pour le Conseil d'État, « le renouvellement des élus favorise la diversité des profils, des expériences et des générations et permet de lutter contre une professionnalisation excessive de la vie politique ». En ce sens, conclut-il, la mesure peut être regardée comme répondant à un motif d'intérêt général. Elle va en outre dans le sens de l'histoire, estime-t-il. Conclusion : « Même si toute incertitude ne peut être levée », et en attendant un futur avis du Conseil constitutionnel, « le Conseil d'État émet un avis favorable » à cette disposition.
F.L.
Télécharger l'avis du Conseil d'État.

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