Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 28 juin 2018
Fonction publique

Recrutement direct des emplois fonctionnels, mise en disponibilité : le Sénat supprime des dispositions très critiquées

Au sortir de son examen par la commission des affaires sociales du Sénat, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été nettement amendé par les sénateurs : tout le chapitre sur « les mesures relatives au parcours professionnel dans la fonction publique »  a été supprimé. Notamment, la très contestée ouverture au recrutement direct de tous les emplois de direction dans la fonction publique.
Ce chapitre du texte avait déjà fait l’objet de vives critiques du Conseil d’État (lire Maire info du 7 mai). Indépendamment de l’amendement surprise sur le recrutement direct des emplois fonctionnels, introduit par le gouvernement en pleine nuit en fin de débat, ce chapitre comportait trois articles visant à réformer la mise en disponibilité des fonctionnaires pour aller travailler dans le secteur privé. Pendant cinq années, prévoyait le projet de loi initial, les fonctionnaires concernés garderaient « leurs droits à l’avancement d’échelon et de grade ». Si le Conseil d’État n’avait pas rejeté l’idée de faciliter les mobilités entre secteurs public et privé, il avait estimé que ces mesures constituaient une « rupture d’égalité »  dans la mesure où « elles n’existent pas pour les autres actifs ». Le Conseil d’État conseillait donc « d’écarter »  ces dispositions, ce que le gouvernement s’est refusé à faire.
Un amendent du groupe communiste au Sénat a été adopté en commission pour supprimer ces dispositions. Parmi divers arguments – dont le refus d’un passage en force face au Conseil d’État –, l’exposé des motifs de cet amendement pointe un élément intéressant, qui a apparemment convaincu les membres de la commission : « À l’heure actuelle, la préservation des droits à l’avancement n’est possible que dans le cas d’un détachement, position réservée à l’exercice de fonctions au sein du secteur public. En l’étendant aux disponibilités et donc aux fonctions exercées dans le secteur privé, cette disposition établit une équivalence entre le service de l’intérêt public et celui de l’intérêt privé qui n’est pas acceptable, même pour une durée de cinq ans. Elle touche en effet au fondement même de la fonction publique qui conditionne l’octroi de certains avantages dont la garantie de l’emploi au service de l’État. »  Cette disposition, selon l’amendement adopté, ne vise qu’à « favoriser les allers et retours des hauts fonctionnaires entre le privé et le public ».
L’article 65 ter, qui proposait d’étendre la possibilité de recruter des emplois de direction en direct, sans passer par le concours, dans quasiment toutes les collectivités territoriales et EPCI, a également été supprimé en commission. Il avait suscité la colère non seulement des associations et syndicats de cadres supérieurs de la fonction publique, mais également des associations d’élus, dont l’AMF (lire Maire info des 19 et 26 juin). Plusieurs amendements de suppression ont été déposés en commission, au Sénat, tous adoptés. Le plus argumenté est celui des sénateurs Valérie Létard et Olivier Hennot, qui reprend toutes les critiques adressées à cet article ces derniers jours, parlant d’une disposition qui ferait courir aux collectivités « des risques sans précédent ». Avec cette disposition, « le système des concours n’aurait plus de raison d’être », et « l’extrême latitude laissée aux recruteurs engendrerait un risque d’atteinte à la neutralité de notre fonction publique ». De nombreuses collectivités, écrivent les deux sénateurs, « redoutent »  qu’apparaissent « une pression permanente au renchérissement des rémunérations, un creusement des écarts salariaux avec les autres agents, une perte de compétence en l'absence de logique de déroulement de carrière… ». Sans parler du risque pour les élus de voir se multiplier les situations de conflit d’intérêts, avec un risque juridique « non négligeable »  pour les élus. Les auteurs de l’amendement pointent aussi le caractère « particulièrement choquant »  du fait que ces dispositions aient été introduites sans concertation « avec les employeurs publics locaux ni les organisations syndicales »  et sans la moindre étude d’impact.
Les auteurs de l’amendement ont convaincu la commission : exit donc cette disposition, en attendant la séance publique à partir du 10 juillet. On verra alors si le gouvernement tente de la réintroduire, malgré le tollé soulevé, sur le fond et la forme, par cet article.
F.L.
Télécharger le texte de la commission.


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