Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 9 avril 2019
Territoires

Collectivité européenne d'Alsace : le projet de loi modifié et adopté par les sénateurs

Les sénateurs ont adopté jeudi dernier - non sans l’avoir modifié - le projet de loi relatif aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace (CEA). Dernière-née dans le paysage administratif français, cette entité sera le résultat, le 1er janvier 2021, de la fusion des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin (lire Maire info du 31 octobre 2018).
En plus des compétences de ces deux départements, la CEA héritera, « dans l’esprit du projet de révision constitutionnelle relative au droit à la différenciation », de « compétences particulières »  en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, de tourisme et de transports.

Une intégration de la CEA dans le Grand-Est qui ne passe pas
Condition maintes fois répétée par le gouvernement : la CEA exercera ses compétences au sein de la région Grand-Est, née de la fusion des anciennes régions Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne (loi du 16 janvier 2015). Une mauvaise réponse au « désir d’Alsace », selon Jean-Louis Masson. Avec plusieurs de ses collègues, le député Les Républicains du Var a demandé qu’un référendum soit organisé en Alsace pour « permettre aux électeurs concernés de dire s’ils souhaitent que le territoire de cette collectivité sorte de la région Grand-Est à compter du 1er janvier 2021 ». Défavorable à un « big bang »  institutionnel et donc à un redécoupage des régions françaises, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, s’y est logiquement opposée.
Comme à un changement de nom de la CEA. Il faut dire que la nouvelle identité de cette entité a créé quelques remous. Un nom « trompeur », a fustigé Jacques Bigot, sénateur socialiste du Bas-Rhin. « Soyons clairs à l’égard de nos concitoyens : disons-leur que c’est la fusion des deux départements (…) Faut-il dès lors l’appeler autrement que « département »  ? ». « Encore une fois, les Alsaciens ne veulent pas d’une collectivité européenne qui n’est qu’un département avec un plus, mais malheureusement, qui n’est pas plus que cela ! », a surenchéri le sénateur Les Républicains du Bas-Rhin André Reichardt, défenseur, par ailleurs, d’une « collectivité à statut particulier ».
Toujours est-il qu'après avoir rebaptisé la CEA « département d'Alsace »  en commission à la fin du mois de mars, les sénateurs ont finalement fait marche arrière en séance publique. Jacqueline Gourault, elle, n’a rien lâché : « La collectivité européenne d’Alsace fait partie de la catégorie des départements, même si elle a reçu, en fonction de sa spécificité, notamment frontalière, quelques compétences supplémentaires : le tourisme, le transfrontalier et le routier. C’est donc clair. »  Pas si clair que ça à écouter le Conseil d'État. Le 21 février, l'institution avait, elle aussi, tiqué sur la dénomination choisie par l’exécutif (lire Maire info du 1er mars). Le gouvernement avait toutefois fait le choix de passer outre son avis.

Des compétences alsaciennes élargies à tous les départements ?
Trois soirées durant, les sénateurs ont modifié la première mouture de ce texte gouvernemental. La chambre haute a, par exemple, adopté un amendement visant à étendre, « au nom de la République une et indivisible », « tout ou partie des compétences et prérogatives attribuées par le présent chapitre au département d’Alsace (…) à tous les départements de métropole et d’outre-mer qui en font la demande ». Jean-Marie Mizzon, sénateur de la Moselle, estimant que « l’Alsace n’est effectivement pas la seule à présenter des caractéristiques propres. Tous les départements de France peuvent revendiquer des spécificités, qui justifieraient de leur confier des compétences exorbitantes du droit commun. » 
Jacqueline Gourault a très vite coupé court : « Si nous devons légiférer pour l’Alsace, c’est parce que le principe de différenciation n’existe pas encore, a rétorqué la ministre. C’est la raison pour laquelle je m’oppose »  à cet amendement qui « prévoit qu’un département puisse s’attribuer lui-même des compétences. Cette formule est constitutionnellement très discutable ».

Une écotaxe en Alsace mais aussi en Moselle, Meurthe-et-Moselle et dans les Vosges
Signalons encore que le Sénat a inscrit dans le texte que « par convention passée avec le département d’Alsace, une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale situés sur le territoire de cette collectivité peuvent exercer, à l’intérieur de leur périmètre, par délégation, au nom et pour le compte de cette collectivité, tout ou partie de la gestion des prestations d’aide sociale ». Le but étant que ne résulte de la fusion des deux départements « un éloignement du service public pour les usagers », a développé André Reichardt.
Enfin, pour lutter contre le report sur l’axe rhénan de camions venus d’Allemagne pour échapper au système de péage mis en place de l’autre côté du Rhin, les sénateurs ont autorisé « à titre expérimental et pendant une durée maximale de cinq ans, les départements d’Alsace, de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des Vosges à instaurer, par délibération, une taxe pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui empruntent les voies de circulation, ou des portions de voie de circulation, situées sur son territoire.
Cette écotaxe, à laquelle le gouvernement est fermement opposé, pourrait être « forfaitaire annuelle ou proportionnelle au kilométrage parcouru par les véhicules sur les voies ou portions de voie concernées ». Son taux serait compris entre 0,015 € et 0,2 € par kilomètre.
Ludovic Galtier
Accéder au compte-rendu des débats.

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