Maire-info
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Édition du jeudi 14 février 2019
Société

L'AMF appelle les maires à des actions symboliques contre le racisme et l'antisémitisme

+ 74 %. C’est le chiffre choc donné avant-hier par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, sur l’augmentation en un an des signalements de « faits à caractère antisémite »  en France. Dans un communiqué publié hier, François Baroin, président de l’AMF, a appelé les maires de France à « se mobiliser ».

541 faits antisémites, 596 actes racistes ou antimusulmans
En quelques jours, ce sont trois actes qui ont particulièrement attiré l’attention sur la recrudescence de l’antisémitisme en France : l’inscription du mot « Juden »  (« Juifs »  en allemand) sur la vitrine d’un magasin Bagelstein – acte qui s’inspire directement des méthodes des milices nazies dans les années 1930 en Allemagne. L’apposition d’une croix gammée sur des portraits de Simone Veil, à Paris. Et l’abattage d’un arbre dédié à la mémoire d’Ilan Halimi, à Sainte-Geneviève-des-Bois. Rappelons qu’Ilan Halimi était un jeune homme juif qui, en 2006, avait été enlevé et torturé pendant trois semaines – en raison de sa confession – avant de mourir de ses blessures.
Au-delà de ces actes qui ont suscité une émotion particulière, ce sont, d’après le ministère de l’Intérieur, « 541 faits »  à caractère antisémite qui ont été recensés en 2018 (183 actions et 358 menaces). Le ministère signale également 496 autres faits « racistes et xénophobes »  (-4,2 %) et 100 faits « antimusulmans ».
Il y a donc bien une nouvelle augmentation inquiétante des faits d’antisémitisme, après deux années de baisse – mais avec un chiffre qui reste encore éloigné du pic de 2015, où 800 faits avaient été enregistrés. Comme c’est, du reste, le cas pour les agressions et violences contre les femmes, il est probable que ce chiffre continuera d’augmenter sans qu'il soit possible de distinguer ce qui relève de la croissance des faits eux-mêmes ou de leur signalement. Les victimes sont, d’une part, davantage encouragées à porter plainte qu’elles l’étaient auparavant ; et d’autre part, les forces de l’ordre sont aujourd’hui mieux formées à prendre en compte le caractère raciste ou antisémite d’une plainte. Il existe par exemple, depuis quelques mois, un formulaire de pré-plainte en ligne pour ces actes.

Plantation d’arbres et buste de Marianne
Pour le président de l’AMF, ces actes « odieux et inacceptables »  sont « une grave menace pour la cohésion de la République », qu’il faut condamner « en tout lieu, tout temps et toute circonstance ». Les maires étant « les artisans du quotidien de la République », ils sont « solennellement appelés »  par l’AMF à se mobiliser au travers d’une action qui doit « symboliser (leur) attachement aux principes fondamentaux de la Déclaration des droits de l’homme », en plantant « un arbre dans chaque commune ».
Par ailleurs, une idée fait peu à peu son chemin pour, là encore, symboliser le rejet du racisme et de l’antisémitisme : donner au buste de Marianne le visage de Simone Veil. Cette idée a été lancée mardi par l’ancienne maire de Strasbourg, la sénatrice Fabienne Keller. Dans une lettre adressée au président de la République, Fabienne Keller rappelle que l’ancienne ministre de la Santé – et ancienne déportée à Auschwitz – notamment célèbre pour son combat pour la légalisation de l’avortement, « fait partie du cœur et de la conscience collective de notre Nation. Elle incarne la France, son honneur, sa grandeur, son courage et sa dignité en toute situation et dans l'adversité ».
Cette proposition a reçu depuis de très nombreux soutiens, dont celui de François Baroin, qui a estimé hier soir, sur BFM-TV, qu’il s’agit d’une « excellente idée », Simone Veil étant « une femme magnifique »  qui incarne « la paix »  et « la République ».
Il faut toutefois rappeler que contrairement à une idée communément admise, il n’y a pas de buste « officiel »  de la République. Chaque maire est parfaitement libre de choisir le buste qui figure en mairie – ce qui est d’ailleurs un usage et non une loi : un échange entre un sénateur et le ministre de l’Intérieur, en 1999, rappelle qu’il n’existe aucun texte législatif ou réglementaire qui oblige les maires à placer un buste de Marianne dans leur mairie.
Pas d’obligation donc, et surtout pas de choix imposé ni par le président de la République, ni par le gouvernement, ni par l’AMF. L’association peut en revanche faire des propositions et les soumettre aux maires, comme elle l’avait fait à l’occasion du Congrès de 1999, où elle avait proposé aux maires d’élire la « Marianne de l’an 2000 »  – le choix s’était alors porté sur Laeticia Casta.
François Baroin, hier, a déclaré ne « pas exclure »  de soumettre « une proposition dans ce sens »  aux instances de l’AMF, pour le prochain congrès, « qui sera le dernier congrès de ce mandat municipal ».
F.L.

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