Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 20 juillet 2017
Infrastructures

Canal Seine-Nord : malgré les propositions des collectivités, le gouvernement n'est toujours pas convaincu

Le projet de canal reliant la Seine au réseau fluvial du Nord va-t-il, ou non, être abandonné ? Alors que le projet était qualifié il y a un an « d’irréversible »  par François Hollande, le nouveau gouvernement a décrété une « pause ». Une profonde inquiétude règne chez les élus des Hauts-de-France sur la pérennité de ce projet.
Des maires des petites communes concernées par le chantier jusqu’à la maire de Lille, Martine Aubry, des présidents des quatre conseils départementaux intéressés jusqu’aux élus régionaux, une certaine unanimité s’exprime depuis qu’Emmanuel Macron d’abord, puis Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, ont dévoilé leur philosophie en matière de grandes infrastructures. Faute d’argent, le gouvernement a annoncé une « pause »  sur tous les grands projets et dit sa volonté de privilégier « les transports du quotidien »  par rapport aux grandes infrastructures. Directement interrogé sur la question du Canal Seine-Nord, Nicolas Hulot s’est montré, le 6 juillet dernier, particulièrement évasif : « Il va bien falloir faire des choix dans les dossiers, et ces choix feront des mécontents. »  Même son de cloche chez la ministre des Transports, Élisabeth Borne, et chez le Premier ministre Édouard Philippe – qui, en tant que maire de la ville portuaire du Havre, s’était montré dans le passé particulièrement hostile à ce projet.
Ce canal d’une centaine de kilomètres, dont la finalité est de diminuer drastiquement le nombre de camions sur les autoroutes du Nord, a connu de multiples vicissitudes. Initialement inscrit comme « priorité nationale »  en 2003, il aurait dû être mis en service… en 2016. Mais à cette heure, le premier coup de pioche n’a pas encore été donné. Après bien des allers et retours, le projet, porté par les élus du Nord, a finalement fait l’objet d’un accord financier fin 2016 (lire Maire info du 29 novembre 2016). Le coût global du chantier – 4,5 milliards d’euros hors taxes – devait se répartir entre l’Union européenne (1,8 milliard), l’État (un milliard), les collectivités (un milliard) et un emprunt de 700 millions d’euros.
C’est évidemment sur la part de l’État que le bât blesse. En ces temps de disette budgétaire, une économie d’un milliard d’euros est visiblement considérée avec intérêt du côté de Bercy.
Les élus des Hauts-de-France ont unanimement fait part de leur inquiétude, voire de leur colère face à ces nouveaux atermoiements. Marine Aubry, dans une lettre ouverte à Édouard Philippe, le 10 juillet, jugeait « incompréhensible »  l’attitude du gouvernement : « L’État ne peut pas, au gré des alternances, remettre en cause sa parole et défaire un travail de plus de 10 ans. »  De nombreux maires de communes concernées par le chantier ont exprimé leur désarroi. Et c’est Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, qui a proposé une ultime solution, lundi dernier, au Premier ministre : les collectivités (région et départements) pourraient prendre en charge la part de l’État du moins pendant les premières années du chantier. « Nous sommes prêts à faire les banquiers à la place de l’État », a déclaré Xavier Bertrand – avec un doublement de la participation financière des collectivités pendant les trois premières années de travaux. « Si vraiment l'État ne veut pas faire le canal avec cette nouvelle proposition, franchement, autant qu'ils nous le disent clairement, qu'ils ont le canal dans le collimateur et qu'ils veulent le flinguer ! », s’est emporté le président du conseil régional.
Sauf que cette proposition n’a pas entièrement convaincu le Premier ministre, comme il l’a dit hier devant les députés. Interrogé sur l’avenir du canal lors de la séance de questions au gouvernement, Édouard Philippe a expliqué que, contrairement à ce qui se dit couramment, le financement du projet « n’est pas entièrement bouclé » : « Il reste l’emprunt de 700 millions dont, jusqu’à présent, nul n’a proposé de prendre la garantie et nul n’a identifié la recette affectée permettant d’en rembourser le capital. »  Le Premier ministre a « salué le geste et l’engagement »  de Xavier Bertrand, mais estimé que sa solution n’est « pas totalement satisfaisante », en particulier parce qu’elle ne résout pas la question de la garantie de l’emprunt de 700 millions d’euros et de son remboursement.
L’incertitude demeure donc. Édouard Philippe, même s’il a promis que ce dossier serait étudié en priorité, n’a pas rassuré les élus en expliquant qu’il n’avait pas l’intention de faire « des déclarations agréables », pas plus que « d’alourdir la dette et de creuser les déficits ».
Ce dossier sera certainement à nouveau évoqué lors des Assises de la mobilité, prévues en septembre.
F.L.

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