Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 25 avril 2016
Environnement

Notre-Dame-des-Landes : des décisions qui pourraient compromettre de nombreux projets

Le gouvernement n’a pas perdu de temps : à peine l’ordonnance et le décret sur les consultations locales relatives aux projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement étaient-ils publiés (vendredi) que, le lendemain, paraissait le décret annonçant la date de la consultation sur Notre-Dame-des-Landes et la question posée aux électeurs. Mais cet empressement ne résout pas les questions juridiques qui restent posées.
Ce sera donc le dimanche 26 juin, de 8 h à 18 h, que les électeurs du département de Loire-Atlantique devront répondre, par oui ou par non, à la question : « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? ». Le décret, paru samedi 24 avril, est en conformité avec l’ordonnance parue la veille (lire Maire info du 21 avril), qui dispose que « la consultation est décidée par un décret qui en indique l'objet, la date ainsi que le périmètre, qui définit la question posée et qui convoque les électeurs. Il est publié au plus tard deux mois avant la date de la consultation. »  C’est ce délai de deux mois qui obligeait le gouvernement à publier le décret de toute urgence, s’il voulait que la consultation ait lieu avant le début des congés de juillet.
Un autre décret, paru au Journal officiel du vendredi 22 avril, devra être attentivement étudié par les maires. Il fixe toutes les modalités pratiques de la consultation. À retenir notamment : l’obligation pour chaque commune de la circonscription où a lieu la consultation de mettre à disposition un point d’accès internet public et gratuit « dans la mairie ainsi que dans la ou les mairies annexes ». Le dossier d’information sur la consultation, élaboré par la Commission nationale du débat public, sera en effet dématérialisé et consultable uniquement en ligne.
Pour l’organisation du scrutin lui-même, le maire devra désigner pour chaque bureau des assesseurs « parmi les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune ». Rappelons que pour ce type de consultation, l’ensemble des coûts sera pris en charge ou remboursé par l’État.
Reste à présent à savoir si l’organisation d’une telle consultation, pour le cas précis de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, est ou non conforme… avec le contenu même de l’ordonnance. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, cela n’a rien d’évident.
Il faut rappeler que l’ordonnance en question est rendue possible par l’article 106 de la loi Macron, qui permet au gouvernement de prendre par ordonnance des dispositions permettant d’organiser des consultations locales « sur les décisions qu'une autorité de l'État envisage de prendre sur une demande relevant de sa compétence et tendant à l'autorisation d'un projet susceptible d'avoir une incidence sur l'environnement ». Les mots ont un sens : « tendant à l’autorisation »  suppose que la consultation se fait avant que les autorisations soient délivrées.
L’ordonnance du 22 avril, quant à elle, a déjà une rédaction un peu différente : elle dit certes que la consultation peut être organisée sur un projet « dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d'une autorisation », mais précise : « y compris après une déclaration d'utilité publique »  (DUP).
Troisième source d’information : le rapport au président de la République, présenté en Conseil des ministres, qui accompagne l’ordonnance. Ce texte très officiel dit précisément : « La décision de consulter les électeurs pourra être prise tant que le processus décisionnel conduisant à la réalisation du projet ne sera pas achevé, c'est-à-dire tant que l'ensemble des autorisations nécessaires n'ont pas été délivrées. » 
C’est bien là que le bât blesse : dans le dossier Notre-Dame-des-Landes, non seulement la DUP a été signée (en 2008), mais la préfecture de Loire-Atlantique a publié depuis plus de deux ans, en décembre 2013, quatre arrêtés d’autorisations de démarrage des travaux. Et les recours en justice contre ces autorisations ont été rejetés en juillet 2015.
Il est donc probable que la consultation prévue le 26 juin sera susceptible d’être attaquée par la suite par l’un ou l’autre camp qui ne sera pas satisfait du résultat, au motif qu’elle concerne un projet ayant déjà fait l’objet d’autorisations.
Plus largement, plusieurs juristes pointent aujourd’hui le « risque »  que cette nouvelle procédure va faire peser sur les porteurs de projets. C’est le cas notamment de l’avocat spécialiste du droit de l’environnement Arnaud Gossement, qui écrivait ce week-end sur son blog : « Cette ordonnance rédigée pour régler un cas particulier (…) créée des difficultés pour tous les projets », dont elle peut « compromettre la sécurité juridique ». En effet, « une procédure de consultation locale des électeurs pourra désormais être demandée et organisée à l'endroit de tous les projets ayant une incidence pour sur l'environnement, y compris lorsqu'ils bénéficient d'autorisations ou même d'une déclaration d'utilité publique, devenues définitives. Un porteur de projet, un maître d'ouvrage qui aura obtenu un permis ou une autorisation devenue définitive, restera exposé au risque que des opposants demandent à l'État d'organiser une consultation locale des électeurs, peut-être des mois ou des années après délivrance des autorisations et rejet des recours. » 
Le gouvernement, qui dans cette affaire a décidé de passer outre l’avis défavorable du Conseil national de la transition énergétique et les fortes réserves juridiques des représentants des élus locaux au Conseil national d’évaluation des normes, se prépare sans doute – et prépare les élus locaux – à des lendemains procéduraux difficiles.
Franck Lemarc
Télécharger l'ordonnance.
Télécharger le décret lié à l'ordonnance.
Télécharger le décret relatif à la consultation N.-D.-des-Landes.


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