Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 15 février 2018
Ecole

Carte scolaire : la colère gronde dans nombre de départements

Entre le ministère de l’Éducation nationale d’un côté et les syndicats enseignants, parents d’élèves et élus locaux de nombreux territoires ruraux, de l’autre, le désaccord semble total sur la carte scolaire prévue pour la prochaine rentrée. Alors que de très nombreux élus sonnent l’alerte sur les fermetures de classe envisagées, qu’ici et là les manifestations et boycotts de réunions se multiplient, le ministre lui-même estime qu’il n’y a pas de problème.
Exemple de ce dialogue de sourds, mardi, à l’Assemblée nationale : lors de la séance de questions au gouvernement, le député de l’Aisne Jean-Louis Bricout interpelle le ministre de l’Éducation nationale : « Sur nos territoires, dans la Sarthe, dans l’Indre, en Meurthe-et-Moselle, dans les Pyrénées-Atlantiques, en Saône-et-Loire, en Ardèche », « dans le Jura », ajoute un autre député, « les menaces de fermetures de classes se multiplient. (…)Par exemple, dans ma circonscription rurale, en Thiérache, vous envisagez de supprimer une classe sur les quatre existantes dans un regroupement de trois villages : Fesmy, Oisy et Barzy. Pourtant, les effectifs sont quasiment stables. »  Réponse de Jean-Michel Blanquer : « Je serais volontiers d’accord avec vous si ce que vous disiez était vrai. Ce n’est pas vrai. (…) Dans chaque département de France, notamment dans les départements ruraux, il y aura plus de professeurs par élève que pendant l’année actuelle. »  Et le ministre d’accuser le député de « fausser le débat »  en « ne parlant que des fermetures de classes même quand il y a plus d’ouvertures que de fermetures ».
Reste, quoi qu’en dise le ministre, que les manifestations de mécontentement sont nombreuses d’un bout à l’autre du pays. Et pas seulement dans les départements les plus ruraux : dans le Val-de-Marne, en périphérie de Paris, syndicats et élus ont boycotté la réunion du CDEN (Conseil départemental de l’Éducation nationale) censée valider la carte scolaire, le vice-président du département, Daniel Guérin, déclarant que la carte proposée « est tout simplement inacceptable, même pas discutable ». Idem dans l’Indre, où un maire a déclaré à la presse locale ne plus supporter « d’être informé que notre école perd une classe par voie de presse ».
Dans le Finistère, l’ensemble des syndicats enseignants a rejeté unanimement la carte scolaire proposée, à cause des fermetures de classes projetées. Dans l’Indre-et-Loire, si la mobilisation des enseignants et des parents d’élèves a permis de faire reculer l’académie sur certaines fermetures, huit restent prévues dans des RPI (regroupements pédagogiques intercommunaux) de zones rurales. Dans la Sarthe, 150 personnes (enseignants, parents et élus) ont manifesté lundi soir devant la préfecture, au Mans, face au projet de fermeture de 46 classes, essentiellement en milieu rural.
Dans les Hautes-Pyrénées encore, 300 personnes – enseignants, parents, élus – ont manifesté hier devant la préfecture de Tarbes pour protester contre les suppressions de classes prévues dans 26 écoles. Du côté de l’Ariège, une manifestation est prévue aujourd’hui contre le projet de suppression de sept postes d’enseignants.
Dans le Lot, le bras de fer est encore plus tendu : 13 maires ont mis dans la balance une menace de « démission »  si les suppressions de postes de professeurs des écoles ne sont pas gelées pour trois ans. Onze écoles, dans le département, sont menacées par des fermetures de classes, et 17 postes d’enseignants doivent être supprimés. Jean-Marc Vayssouze, président de l’Association des maires du Lot, qui s’est rendu lundi à une réunion à la préfecture, suite à la manifestation organisée dans les rues de Cahors samedi, témoigne ce matin pour Maire info du désarroi de certains maires de son département : « Aujourd’hui, dans certaines petites communes rurales, l’école c’est tout ce qu’il reste au maire. Si on enlève l’école, à quoi se réduit son rôle ? Les maires qui menacent de démissionner, c’est cela qu’ils ressentent, le sentiment qu’ils n’ont plus rien à perdre. »  Interrogé sur les déclarations du ministre Jean-Michel Blanquer, le maire de Cahors ne nie pas qu’il puisse y avoir, au global, plus d’ouvertures que de fermetures, mais souligne l’inégalité territoriale : « Il y a une certaine dynamique au niveau des métropoles, et elle est légitime. Mais dans nos zones rurales, ce n’est pas la même chose. Dans mon département, des classes vont fermer. Et c’est la même chose dans le Gers, dans l’Aveyron… les chiffres sont clairs. »  Jean-Marc Vayssouze dénonce enfin le « manque de visibilité », faute de loi de programmation pluri-annuelle. Suite à la réunion de lundi, les élus ont obtenu que le nombre de classes fermées soit ramené de 17 à 12. « Mais demain ? L’année prochaine ? Dans deux ans ? On ne sait pas. Et pour beaucoup de maires, la fermeture d’une classe, cela veut dire à terme une menace de fermeture de l’école, parce que nous sommes dans des territoires où il y a énormément d’écoles à classe unique. » 
La problématique de la carte scolaire sera portée à l’ordre du jour de la prochaine commission des territoires ruraux de l’AMF qui se tiendra le 8 mars, avec la présence attendue d'un représentant du ministère de l’Éducation nationale.
F.L.


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