Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 31 mars 2023
Finances locales

Compensation de la CVAE en 2023 : « 650 millions d'euros manquent à l'appel », dénonce l'AMF

« Si certaines collectivités constateront une hausse » de leur CVAE cette année, son montant sera, en fait, « inférieur à ce qui aurait dû être perçu en l'absence de réforme », explique l'association qui critique les modalités de compensation choisies par le gouvernement, jugées « défavorables » aux collectivités.

Par A.W.

« L’engagement »  du gouvernement à compenser « à l’euro près »  la disparition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) « est loin d’être tenu ». A l’heure de la communication aux élus locaux de leurs montants individuels, l’AMF dénonce le dédommagement insuffisant des communes à la suite de la suppression de cet impôt économique local. En subissant « un arbitrage défavorable », les maires estiment que la promesse initiale du gouvernement n’est « pas respecté[e] ».

Décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2023, la suppression complète de la CVAE a été étalée sur deux ans, avec une première moitié cette année et la seconde moitié en 2024. Pour éviter cette perte de recettes pour le bloc communal, le gouvernement s’était donc engagé à la compenser intégralement.

Un mode de calcul critiqué

Or, « si certaines collectivités constateront une hausse du produit perçu entre 2022 et 2023 au titre de la CVAE, il n’en reste pas moins inférieur à ce qui aurait dû être perçu en 2023 en l’absence de réforme », fait valoir l’association, dans un communiqué, publié hier.

Concrètement, ce sont « plus de 650 millions d’euros [qui] manquent à l’appel ». « Sur les deux années d’extinction de la CVAE, c’est donc une perte cumulée de 1,3 milliard d’euros pour les collectivités », avance-t-elle.

« Le gouvernement, qui avait connaissance des montants déclarés par les entreprises, ne pouvait l’ignorer et a choisi d’exclure une compensation fondée sur la dernière année de perception », s’indigne l’AMF qui rappelle avoir exprimé toute une série d’« alertes »  depuis « l’automne 2022 »  sur ce problème. 

Les maires - comme les sénateurs - reprochaient, en effet, le mode de calcul de cette compensation, basé sur les recettes perçues par les communes, les intercommunalités et les départements durant les années 2020, 2021, 2022 et 2023. « Le choix du gouvernement de calculer la compensation socle sur la moyenne des années 2020-2023 pénalise clairement les communes et leur intercommunalité », soulignent-ils.

« En intégrant la baisse de la CVAE 2021 (qui est assise sur la valeur ajoutée des entreprises en 2020) induite par la crise sanitaire dans les calculs, l’Etat baisse d’autant le montant de la compensation qu’il est censé assurer, au détriment des collectivités », expliquait, en octobre dernier, le président de l’association, David Lisnard, dans un courrier au gouvernement, dans lequel il signalait sa préférence pour la mise en place d’un dégrèvement en 2023 et 2024, comme d’ailleurs les sénateurs LR qui avaient tenté de l’intégrer lors des débats budgétaires. 

Dans un rapport publié à la suite du vote du budget 2023, la chambre haute estimait que, « au vu des enjeux majeurs de définition des critères de répartition de la dynamique, la mise en place du nouveau système semble prématurée sous peine d’engendrer d’importants effets de bords sur les ressources des communes et des EPCI, eux-mêmes déjà fragilisés par la conjoncture actuelle ». 

Notifications : un retard de trois mois « préjudiciable » 

L’AMF demande donc que « le montant de référence de la répartition »  soit « celui de la CVAE qui aurait dû être touchée par les collectivités locales en 2023 ». « A défaut, 650 millions d’euros manqueront chaque année à l’appel », prévient-elle. 

En outre, elle maintient que « la répartition de la compensation doit être calculée sur plusieurs années pour lisser les écarts »  et que « l’année 2021, qui a enregistré une baisse exceptionnelle de la CVAE en raison de la crise sanitaire, doit être exclue de ce calcul ». 

L’association critique, au passage, le « retard de trois mois »  pris « dans la notification du montant de CVAE compensée », les collectivités concernées étant habituellement notifiées de l’estimation de leur CVAE « en décembre ».

« A l’heure où les collectivités sont appelées à boucler leurs budgets », ce retard « repousse le lancement des programmes d’investissement locaux »  et est « d’autant plus préjudiciable que l’inflation pèse durement sur les budgets locaux, et limite déjà les investissements des collectivités ». 

Répartition de la CVAE : le projet de décret pas adopté par le CFL

De son côté, les membres du Comité des finances locales (CFL) ont décidé, la semaine dernière, de ne pas adopter (et se sont « abstenus » ) le projet de décret portant sur la répartition de la compensation par l'Etat de la CVAE en 2023, « dans l'attente d'informations complémentaires » .

« Si les modalités de répartition n’ont pas posé problème, à savoir les critères anciens de répartition de la CVAE (1/3 selon les bases de CFE et 2/3 en fonction des effectifs), le montant global mis en répartition a suscité de nombreuses réactions des élus présents », a fait savoir Intercommunalités de France, dans un communiqué publié la semaine passée, dans lequel elle détaille la répartition de la CVAE collectée en 2022 : la part socle de 10 milliards d'euros, complétée par le fonds d’attractivité (608 millions d’euros), le fonds vert (500 millions d’euros) et une contribution au SDIS (150 millions d’euros).

Selon l’association, « il semblerait que le fonds d’attractivité pour 2023, ne soit pas alimenté comme le dit la loi de finances par « une fraction du produit net de la taxe sur la valeur ajoutée, défini comme le produit brut budgétaire de l'année »  à hauteur de la croissance de la TVA nationale pour 2023, alors qu’il a été évoqué à plusieurs reprises la contemporanéisation de ce fonds ».

« Cette non-actualisation pèsera sur l’évolution du fonds à l’avenir. D’autant plus s’il devait être considéré que le montant de référence pour calculer la TVA compensatrice en 2024 au titre de la CVAE supprimée serait le montant de la moyenne quadriennale abondée de ce fonds », a indiqué Sébastien Miossec, président délégué de l’association, selon le communiqué.

Autre interrogation, concernant le fonds vert cette fois. Si, en 2023, « il est abondé d’un montant de 500 millions d’euros, qu’en sera-t-il les années suivantes ? », s’interroge Intercommunalités de France. « Difficile d’imaginer que cette alimentation via l’ex-CVAE, demeure. Cela constituerait un manque à gagner important pour les collectivités d’autant qu’une croissance à 20 % [de la CVAE en 2022 par rapport à 2021, NDLR] est loin de se reproduire ».

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