Maire-info
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Édition du jeudi 14 janvier 2016
Collectivités locales

La départementalisation de Mayotte aurait été « mal préparée et mal pilotée », selon la Cour des comptes

C’est un rapport plutôt inquiétant qu’a publié, hier, la Cour des comptes. Cinq ans après la départementalisation de Mayotte et alors que l’Etat vient de présenter un nouveau plan stratégique pour l’île (« Mayotte 2015 » ), les juges financiers concluent que celle-ci a été « mal préparée »  et « mal pilotée ».
Ni l’Etat ni le département n’auraient anticipé les nouvelles compétences qui en découleraient. Ce processus a ainsi abouti à une situation délicate où de nombreux retards ont déjà été observés et pour lesquels d’importants risques financiers sont envisageables pour l’avenir.
Dans ce bilan peu rassurant dressé par la Cour, les juges pointent notamment une mauvaise prise en compte de la démographie. Estimée à 220 000 personnes et très dynamique, la population mahoraise est très jeune et composée à 40 % d’étrangers. Compte tenu de sa situation géographique, l’île doit faire face à une immigration de masse malgré une économie fragile et un taux de chômage « qui s’élève à plus de 36% ».
L’Etat, qui avait pourtant identifié dès 2008 les préalables à la réforme, n’aurait par ailleurs pas achevé plusieurs chantiers majeurs. « L’identification des bases comme des redevables de la fiscalité locale, en particulier la taxe d’habitation, n’est pas achevée », explique la Cour. « En dépit des efforts accomplis par l’Etat, l’application à Mayotte des textes législatifs et réglementaires souffre de retards importants. Le département lui-même n’a pas encore atteint le niveau d’organisation et d’efficience nécessaire pour prendre en main l’ensemble de ses compétences alors qu’il cumule celles d’un département et d’une région d’outre-mer », poursuit-elle. Ainsi, l’instabilité des règles en matière de fiscalité aurait été préjudiciable aux collectivités mahoraises « qui ne disposent pas de recettes prévisibles ». Le département aurait vu « sa situation financière se dégrader à partir de 2014 »  alors que 13 des 17 communes de l’île ont fait l’objet d’une saisine de la chambre régionale des comptes de Mayotte par le préfet en 2014. La Cour pointe également le « poids excessif »  des dépenses de personnel et souhaite une réduction de celles-ci malgré le transfert de compétences.
En outre, si le processus de départementalisation s’élève à plus, de 160 millions d’euros entre 2010 et 2014, il existerait un « coût masqué », à en croire la Cour des comptes. Celui-ci résulterait de l’augmentation de l’effort budgétaire de l’Etat au profit des politiques publiques qu’il conduit à Mayotte. Cette hausse comporterait pourtant « un risque de dérapage »  car un alignement du niveau de dépenses par habitant sur celui de La Réunion, par exemple, nécessiterait un effort supplémentaire de 307 millions d’euros par an. « Dans ces conditions, l’Etat est appelé à mieux anticiper et programmer la trajectoire de dépenses en faveur de Mayotte », recommande la Cour.
Ibrahim Aboubacar, député de Mayotte, a estimé sur France Ô qu'« il faut aller plus loin en terme de programmation, d'arbitrage d'un certain nombre de questions non-tranchées ». « On peut s'interroger pour savoir si l'avenir de Mayotte passe par sa départementalisation […] après la lecture du rapport de la Cour des Comptes », s’est demandé pour sa part René Dosière, député de l’Aisne, également sur France Ô. « On ne peut pas offrir aux Mahorais comme avenir une société qui ne vive que d'argent qui vient de la France. Il faut qu'il y ait une richesse produite à Mayotte et en déterminer les conditions », a-t-il ajouté.
A.W.

Télécharger le rapport de la Cour des comptes.

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