Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 26 février 2024
Agriculture

Ce que contient le Plan loup 2024-2029, enfin dévoilé par le gouvernement

Le gouvernement a publié, vendredi, le nouveau Plan loup, ainsi que deux arrêtés – l'un concernant les autorisations de tir, l'autre l'indemnisation des éleveurs en cas d'attaque. Ces évolutions révoltent les associations de défense du loup et ne satisfont pas complètement les éleveurs. 

Par Franck Lemarc

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© Gouvernement

« Un rééquilibrage ». Le mot a été plusieurs fois utilisé par les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique, Marc Fesneau et Christophe Béchu, lors de la publication du nouveau « Plan loup »  (PNA ou Plan national d’actions 2024-2029). Pour Marc Fesneau, ce plan est celui d’un « rééquilibrage »  entre deux réalités : « Celle de la conservation de l’espèce [loup], qui est désormais assurée. »  Et celle de « l’augmentation des attaques de loups qui mettent en danger les activités d’élevage ». 

Réflexions sur le déclassement

Pour le gouvernement, les choses sont claires : la « conservation »  du loup n’est plus réellement un sujet, ce qui veut dire que l’espèce a franchi un seuil dit de « viabilité »  – ce qui est mis en doute par les associations de défense de l'environnement. Rappelons que le loup avait totalement disparu depuis des décennies en France, qu’il est réapparu au début des années 1990 – venu d’Italie – et que, depuis, la population ne cesse d’augmenter, passant par exemple de 430 animaux en 2018 à plus de 1 100 aujourd’hui. 

Cette augmentation du nombre de loups – qui est similaire dans les autres pays d’Europe – est notamment due au fait que l’espèce est considérée comme « très protégée »  par l’Union européenne, ce qui réduit drastiquement les possibilités d’abattre des animaux. Mais l’UE, aujourd’hui, réfléchit à un déclassement du loup d’espèce « très protégée »  à « espèce protégée », qui est jugé aussi « incompréhensible »  qu’« irresponsable »  par les associations de défense des animaux. 

Dans son nouveau Plan loup, le gouvernement évoque cette question et dit attendre « l’analyse approfondie »  promise par la Commission européenne sur un éventuel déclassement, qui dépend de savoir si le « niveau de conservation »  a bel et bien été atteint – ce qui peut différer d’une région à l’autre de l’Europe. Il dit vouloir « s’appuyer »  sur les résultats de cette analyse pour décider, ou non, de porter, à partir de 2025, « une évolution du statut du loup ». Une telle procédure, si elle aboutissait, conduirait à « une gestion de type cynégétique »  – c’est-à-dire que les loups pourraient, de façon limitée et réglementée, être abattus par des chasseurs et non uniquement par des louvetiers. 

Mesures de protection

Reste la question essentielle pour les éleveurs – et pour de nombreux maires : la protection des troupeaux. 

Le PNA met d’abord l’accent sur les mesures de protection, avant de parler « destruction », c’est-à-dire abattage. Un certain nombre de mesures d’aides aux éleveurs pour se doter de moyens de protection, allant de clôtures électrifiées aux matériels « d’effarouchement », vont être poursuivies – le gouvernement rappelle que les aides financières, dans ce domaine, ont augmenté de 33 % entre 2018 et 2022. « Le PNA 2024-2029 incitera à l’innovation et encouragera (…) l’expérimentation de solutions pour répondre à des enjeux de connaissance ou de protection des élevages face à la prédation (ex : répulsifs, surveillance, alerte, etc.). » 

Tout un chapitre du plan est consacré à la question des chiens de protection. Un certain nombre de maires sont confrontés, sur ce sujet, à plusieurs problèmes (lire Maire info du 17 janvier) : cas de morsures de promeneurs par des patous (chiens de troupeau), plaintes de riverains par rapport aux « nuisances »  que constituent les aboiements. Sans compter une réglementation quelque peu ubuesque qui fait que tout éleveur qui a 10 chiens ou plus doit être considéré comme gestionnaire d’ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement), ce que la plupart des éleveurs ignorent en toute bonne foi. 

Le Plan loup aborde la question en prévoyant « la structuration d’une filière nationale qualitative de production de chiens de protection », et la mise à l’étude de la création d’un « statut juridique »  des chiens de protection d’ici la fin de l’année. Ceux-ci seraient définis comme « chiens de travail », les aboiements seraient considérés comme « patrimoine de la campagne », et de ce fait impossibles à attaquer juridiquement au titre des nuisances. Le gouvernement souhaite aussi qu’il soit clairement précisé dans la loi que « les chiens de protection ne divaguent pas dès lors qu’ils sont en action de protection et de garde des troupeaux »  (rappelons que les maires sont responsables de la protection contre la divagation des chiens). La réglementation sur les ICPE devrait également évoluer.

Tirs simplifiés

Un chapitre important du Plan concerne les « prélèvements ». Il s’accompagne de la publication, au Journal officiel de vendredi, d’un arrêté « fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup » 

Ce long arrêté s’appuie sur un préalable : le loup restant une espèce « très protégée », pour l’instant, les tirs létaux ne peuvent intervenir « qu’après la mise en œuvre effective des moyens de protection et doivent se restreindre à assurer la stricte défense des troupeaux sauf exception ». Néanmoins, face à l’augmentation des attaques, plusieurs assouplissements sont prévus : pour les tirs de défense, le recours à deux, voire exceptionnellement trois tireurs pourra être autorisé par les préfets. Par ailleurs, les éleveurs et les chasseurs pourront être équipés de matériel de détection thermique – mais pas de fusils à lunettes thermiques, ceux-ci étant strictement réservés aux lieutenants de louvèterie et aux agents de l’OFB. Les autorisations de tir seront plus rapides à obtenir, puisque les éleveurs pourront les demander dès la première attaque, avec un délai de réponse de 48 h maximum. 

Le plafond de tir reste, lui inchangé, à 19 % de la population totale (soit 209 animaux aujourd’hui). C’est notamment ce statu quo qui irrite les représentants des éleveurs, qui auraient souhaité une hausse de ce plafond, ainsi qu’une autorisation pour les éleveurs d’utiliser des fusils à lunette thermique. 

Nouveaux barèmes

Enfin, le nouveau Plan loup acte une augmentation des barèmes d’indemnisation en cas de dommages aux troupeaux causés par le loup (ainsi que par le lynx et l’ours). Un deuxième arrêté, publié samedi, fixe les nouveaux barèmes. Les indemnisations sont revalorisées de 33 % pour les ovins et 25 % pour les caprins. Pour les ovins, l’indemnisation par tête en cas de mort de l’animal varie désormais, selon les cas, de 77 euros (animaux de réforme) à 958 euros (brebis fromagère en bio). 

L’arrêté crée également une indemnisation pour « les pertes indirectes », liées au stress des animaux (avortements, perte de lactation…). Elle est fixée à 100 euros pour les troupeaux de 2 à 100 animaux, 260 euros pour les troupeaux de 101 à 300 animaux, puis 40 centimes supplémentaires par animal jusqu’à 1 200 bêtes. 

Les frais vétérinaires et les frais d’euthanasie seront également indemnisés, sur facture. 

La prochaine étape à suivre, maintenant que le Plan loup est publié pour les cinq ans à venir, va être la discussion à l’échelle européenne sur un éventuel déclassement du loup, qui rebattrait entièrement les cartes sur le sujet. 

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