Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 25 octobre 2017
Budget

Adoption de la première partie du PLF : les collectivités lourdement mises à contribution

L’Assemblée nationale a très largement adopté, hier, la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 et le projet de loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Le premier a recueilli 365 voix pour et 172 voix contre. Le second, 362 voix pour et 174 contre. Ces deux textes entérinent une nouvelle cure d’austérité pour les collectivités, même si elle prend une forme différente de celle qui a eu lieu les années précédentes.
Un peu avant le vote, lors de la séance de questions au gouvernement, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a choisi une forme d’ironie – pas très bien reçue par de nombreux députés – pour décrire ce budget : « Ce projet de loi de finances contient trois grandes mesures pour les collectivités locales. Premièrement, c’est la première fois depuis 2010 que le Parlement ne votera pas de baisse des dotations aux collectivités locales. Deuxièmement, depuis 2010, c’est la première fois qu’un Parlement ne baissera pas les dotations aux collectivités locales. Et troisièmement, pour la première fois, nous ne baisserons pas les dotations aux collectivités locales. » 
La répétition ne fera pourtant pas oublier que cette affirmation est en partie inexacte : ce ne sont pas « les dotations aux collectivités locales »  qui ne baissent pas, c’est la dotation globale de fonctionnement. D’autres dotations sont bien, elles, en baisse, comme la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) (-18 %). La dotation de soutien à l’investissement public local passe de 816 à 665 millions d’euros ; et ces 665 millions incluent une part de la réserve parlementaire (50 millions), tandis que les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDTP) perdent 65 millions d’euros (-17%).
Et même si il ne s’agit pas de dotations au sens propre, d’autres coups de rabot ont été opérés, en premier lieu desquels celui sur le budget des Agences de l’eau (lire Maire info d’hier), mais aussi sur les chambres de commerce et d’industrie, le Centre national pour le développement du sport, les APL, les contrats aidés. La diminution de la taxe d’habitation a été également focalisé de nombreux désaccords – bien des élus, échaudés par l’expérience de la réforme de la taxe professionnelle, ne croyant pas que cette quasi-disparition de la TH serait bien, à terme, compensée « à l’euro près »  par l’État. On sait déjà que ce ne sera pas le cas, puisqu’un amendement du gouvernement fait déjà financer 60 millions d’euros de compensation TH par des crédits affectés au départ à la progression de la DSU et de la DSR. Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF, est allé jusqu’à parler avant-hier, à propos de cette réforme, du « début de la fin des libertés locales ».
Et si, en effet, la DGF ne baisse pas cette année pour la première fois depuis sept ans, qu’en sera-t-il les années suivantes ? Le projet de loi de programmation des finances publiques, également adopté hier, fixe des règles drastiques en termes d’économies sur le budget de fonctionnement des collectivités : il faudra limiter la hausse de ces dépenses à 1,2 % par an, sous peine… d’on se sait pas exactement quoi. Le gouvernement a laissé entendre que les collectivités qui ne respecteraient pas ce « pacte »  auraient un malus sur la DGF, mais de combien ? C’est aujourd’hui le flou complet sur cette question. Ajoutons que le chiffre de 1,2 % est une moyenne, tous niveaux de collectivités confondus : pour les communes et EPCI, ce sera encore un peu plus serré, l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement étant limitée à 1,1 %, comme on peut le lire dans les annexes du projet de loi (les « jaunes budgétaires » ). Mais là n’est pas le plus inquiétant pour les collectivités : comme Maire info l’expliquait le 10 octobre, le gouvernement entend ce chiffre inflation comprise. Si l’inflation dépasse les 1,1 % – et il paraît plus qu’improbable que ce ne soit pas le cas dans les années à venir – les communes et EPCI n’auront donc aucune marge de manœuvre. En d’autres termes, elles seront bien contraintes de baisser leur dépenses de fonctionnement, et non de seulement limiter l’augmentation de ces dépenses. On peut donc nourrir quelques doutes quant à l’affirmation du Premier ministre, dans sa lettre à tous les maires (lire Maire info d’hier), lorsqu’il écrit : « Vos dépenses ne vont pas diminuer, elles vont continuer à augmenter. » 
Sur ce sujet toujours, concernant les contrats d’objectifs conclus entre l’État et les collectivités les plus importantes, un amendement récent du gouvernement contrevient à l’esprit de dialogue affiché au départ : ces contrats sont désormais conclus de façon « automatique »  avec les collectivités concernées, sauf refus de leur part.
Enfin, alors qu’aucune collectivité n’est en faillite, l’alourdissement de la « règle d’or »  – avec une dette devant rester inférieure à 13 ans de capacité d’autofinancement brut – menace les collectivités (communes de plus de 10 000 habitants et les EPCI de plus de 50 000 habitants) qui seraient hors des clous de la saisine de leur budget par le préfet et la Chambre régionale des comptes.
La discussion sur la première partie du PLF s’est donc achevée hier sur un véritable dialogue de sourds : d’un côté, les députés LREM et Modem ont salué « un budget qui réconcilie l’État et les territoires »  (Amélie de Montchalin, LREM), un budget « où les territoires ne sont pas oubliés »  (Jean-Noël Barrot, Modem). De l’autre, l’opposition a dénoncé « les coupes claires dans le budget des collectivités locales »  (Olivier Faure, PS), « une reprise en main sur les collectivités »  (Jean-Paul Dufrègne, PCF), « un budget injuste pour les collectivités »  (Véronique Louwagie, LR).
La discussion sur la seconde partie du PLF – qui contient elle aussi plusieurs pilules difficiles à avaler pour les collectivités – débutera mardi prochain, le 31 octobre.
Franck Lemarc

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