Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 14 juin 2019
Restauration collective

Bio et local à la cantine : la marche reste haute, mais les acteurs du secteur cherchent des solutions

La marche à gravir posée par la loi Egalim dans les cantines scolaires reste très haute, pour autant, la bonne volonté des acteurs du secteur est réelle, alors que les partenariats noués au niveau local entre tous les acteurs (agriculteurs, transformateurs, distributeurs, restaurateurs) semblent s’imposer comme la meilleure manière de progresser efficacement, ont constaté différents acteurs de l’alimentation sur les territoires, réunis jeudi au Cese lors d’une journée de réflexion sur les défis de la restauration collective.
Ils se sont d’abord fait l’écho d’une certaine déception vis-à-vis de la loi Egalim, notamment sur la promotion des produits locaux. Des critiques ont visé le décret créant la notion de « coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie », jugé insuffisant pour atteindre son principal objectif initial : permettre de contourner les règles européennes des marchés publics, qui interdisent de mentionner clairement l’origine locale des produits dans les appels d’offres.
Comme l’a confié à Maire info Dominique Bénézet, président du Syndicat national de la restauration collective - représentant les grandes sociétés agissant en délégation, telles Sodexo ou Elior, « beaucoup de communes formulent des cahiers des charges exigeant dès 2020 les 50 % de produits de qualité et 20 % de bio [soit le seuil demandé pour 2022 par la loi Egalim, ndlr]. Cela veut dire que nos sociétés auront forcément recours à l’import pour atteindre le seuil de bio », d’autant que nombre de collectivités souhaitent opérer à coût constant.
Pour autant, si la marche semble haute, elle ne s’accompagne d’aucune sanction, ce qui relativise l’importance d’atteindre les seuils dès 2020 ; d’autant qu’il sera très difficile de les atteindre même si quelques signes d’espoir apparaissent.
L’Agence bio a ainsi dévoilé, le 4 juin dernier, des chiffres en croissance continue : en 2018, le cap des 2 millions d’hectares exploités en bio a été dépassé, pour un total de 7,5 % de la surface agricole utile, contre 6,5 % en 2017, soit un bond de 22 % qui s’est traduit dans toutes les régions – elles affichent toutes une croissance supérieure à 18 %, à l’exception du Centre-Val-de-Loire (+12%) et de l’Outre-mer (+8%), ainsi que de Provences-Alpes-Côte-d’Azur (+10%), cette dernière semblant plutôt atteindre un palier car elle est la première région de France… avec un quart de sa surface exploitée en bio.
Bernadette Loisel, chargée de mission à la chambre d’Agriculture de Bretagne, a fait valoir une véritable dynamique positive intervenue « ces dix dernières années », avec une augmentation des producteurs en fermier ou en bio, et une forte appétence des distributeurs et sociétés de restauration collective qui augmentent les partenariats avec les agriculteurs.
Pour elle, le partenariat est la clé d’une progression de la qualité de la restauration scolaire : elle a présenté le travail accompli de rapprochement des acheteurs publics avec non seulement les distributeurs, mais aussi les producteurs, en multipliant salons et rencontres physiques.
« Les plateformes numériques ont leur intérêt, mais le fait de pouvoir échanger en direct n’est pas remplaçable », a-t-elle martelé, faisant valoir que c’était la seule manière de faire tomber les a priori et de faire adhérer l’offre à la demande, la restauration collective étant un « marché complexe ».
Elle a également attiré l’attention sur la nécessité de partir du principe d’une « rémunération équitable des producteurs non seulement sur les 50 % de produits de qualité, mais sur l’ensemble des achats ». Les agriculteurs présents au débat ont appuyé l’idée en regrettant que si la loi avait fait émerger l’idée « d’un commerce équitable Nord-Nord », il restait beaucoup à faire, notamment, pour ce qui est de la viande, en réfléchissant à comment permettre de vendre l’intégralité des bêtes à un prix acceptable, même si la restauration collective se concentre souvent sur certaines pièces.
Là encore, la solution reste le partenariat pour Luc Mary, éleveur bio et président d’un abattoir coopératif dans l’Allier qui a noué des contrats avec des plateformes de distribution en Isère ou dans le Rhône. « Nous avons eu aussi des échanges pour faire comprendre qu’on pouvait faire un très bon sauté de bœuf en utilisant d’autres morceaux que le paleron. » 
D’autant que les élus sont très sensibles à la question d’une juste rémunération pour les agriculteurs : « Nos agriculteurs ont du mal à vivre, nous sommes confrontés à un fort taux de suicides sur nos territoires », a souligné Isabelle Maincion, maire de La-Ville-aux-Clercs et référente du groupe de travail sur la restauration scolaire à l’AMF.
La journée s’est conclue par un débat sur la nécessaire évolution de la formation des agents de la restauration collective, un métier qui a du mal à attirer à l’heure actuelle, ainsi que sur l’enjeu d’un droit à l’alimentation pour tous.
E.G.E.

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