Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 13 avril 2018
Administration

Dématérialisation : quand le mieux est parfois l'ennemi du bien

Dans son rapport annuel 2017, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, consacre un chapitre particulier aux difficultés nouvelles que la dématérialisation pose aux publics les plus fragiles. Derrière la volonté de « simplification »  affichée depuis plusieurs années par les gouvernements successifs, la « complexité »  des démarches administratives, a contrario, augmente.
« Complexité croissante des procédures administratives et distance accrue entre les administrations et les usagers ». Voilà le bilan que dresse Jacques Toubon de la dématérialisation des démarches administratives. C’est notamment ce qui ressort d’une enquête réalisée par les services du Défenseur des droits auprès de 5 000 personnes (intitulée Accès aux droits- Services publics).
Assez logiquement, les personnes qui n’ont pas d’accès à internet chez elles, ou celles qui ne se sentent « pas à l’aise »  avec cet outil – notamment les personnes âgées – rencontrent davantage des difficultés pour accéder aux démarches dématérialisées que le reste de la population. Pour ces publics, la disparation de certains services d’accueil au public « physiques »  pose un véritable problème, souligne le Défenseur des droits. Il réitère donc sa demande « d’introduire dans la loi une clause de protection des usagers vulnérables, prévoyant l’obligation d’offrir une voie alternative au service numérique dans le cadre de la mise en œuvre de toute procédure de dématérialisation d’un service public ».
Exemple typique de ces difficultés, explique Jacques Toubon : le Plan préfectures nouvelle génération (PPNG), prévoyant la mise en place de téléprocédures pour de nombreuses démarches. « Lancé en 2015, ce plan a montré les écueils d’une dématérialisation générale et accélérée », critique le Défenseur des droits. Et les difficultés ne touchent pas que les publics fragiles : les services de Jacques Toubon ont reçu « de très nombreuses déclarations », mettant en lumière autant « d’insuffisances » : « pannes informatiques entravant la finalisation des demandes, délais excessifs de délivrance des permis de conduire, difficultés à joindre les services de l’État ou à obtenir la rectification d’erreurs commises par le réclamant, ou encore, difficultés d’accès aux points numériques ». Le rapport dénonce l’existence de situations purement « kafkaïennes ». « Les problèmes d’accès à l’information, de coordination et de mauvais fonctionnement des services informatiques mis en place soulignent à quel point il est nécessaire de conserver des lieux d’accueil physique sur l’ensemble du territoire et de veiller, à chaque fois qu’une procédure est dématérialisée, à ce qu’une voie alternative -papier, téléphonique ou humaine- soit toujours proposée en parallèle. Le maintien d’une pluralité de moyens d’accès aux services publics pourrait être financé par les économies générées par la dématérialisation des services publics. » 
Enfin, le Défenseur des droits souligne que l’existence de zones blanches et de zones grises en milieu rural « contribue à entraver l’accès au droit de certaines personnes », en particulier les personnes en situation de précarité, « pour lesquelles les difficultés de transport accentuent le problème ». Pour ces cas, Jacques Toubon n’hésite pas à parler de « discrimination fondée sur le lieu de résidence », ce qui est interdit par la loi. Il y a là un avertissement non dissimulé aux opérateurs de téléphonie mobile. Le fait de ne pas pouvoir accéder aux technologies de la communication ne constitue plus seulement une difficulté pour la vie quotidienne, mais induit à présent une impossibilité à accéder à de nombreux droits, tels qu’une « demande de RSA, une inscription à Pôle emploi ou la délivrance d’une carte grise ».
F.L.
Télécharger le rapport 2017 du Défenseur des droits.


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