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Édition du jeudi 23 février 2017
Logement social

Logement social : la Cour des comptes réclame un meilleur ciblage des personnes modestes et défavorisées

Dans un rapport rendu public, hier, la Cour des comptes a procédé à une évaluation de la politique publique du logement social au regard de son objectif premier fixé par la loi : loger les personnes modestes et défavorisées. Avec 4,8 millions de logements, le parc social représente, aujourd’hui, un logement sur six et près de la moitié du parc locatif. En 2014, les aides publiques qui lui sont consacrées s’élevaient à 17,5 milliards d’euros.
La juridiction financière constate, dans un premier temps, que la politique de logement social va dans le sens de ses objectifs puisque le parc social s’est spécialisé et s’est ouvert de manière croissante aux ménages modestes et défavorisés ces 40 dernières années. La moitié de ses logements est occupée par les 25 % les plus pauvres, de nos jours, quand ils ne représentaient que 21 % des locataires en 1973.
Pas suffisant pour la Cour puisque le parc social, « qui excède pourtant d’un million de logements l’effectif total des ménages situés sous le seuil de pauvreté, n’accueille encore que la moitié d’entre eux ». Au final, il ne mobilise pour eux que 40 % de sa capacité, « alors que sa dimension lui permettrait de tous les accueillir ».
Résultat, ces ménages pauvres qui habitent dans le privé doivent s’acquitter de loyers « 40 voire 50 % plus élevés ». Et la liste d’attente pour obtenir un logement HLM compte 1,9 million de demandeurs, soit l’équivalent de quatre années d’attributions.
Ainsi, alors que 48 % des occupants du logement social ne relèvent pas des publics modestes et défavorisés, les ménages en grande précarité « rencontrent plus de difficultés d’accès que la moyenne et le logement social demeure impuissant à accueillir ceux dont les ressources sont inférieures à la moitié du seuil de pauvreté », notent les magistrats financiers.
Malgré des améliorations, la procédure d’attribution n’est « ni assez efficiente ni assez transparente », selon la Cour qui estime qu’un quart seulement des organismes HLM disposent de méthodes formalisées pour la présélection des candidats et les rendent publiques.
Pour ces raisons, le Premier président de la Cour, Didier Migaud, propose d’améliorer la transparence des attributions de logements sociaux et de la piloter au niveau local : « Les procédures d’attributions devraient reposer sur des critères formalisés et rendus publics [et] les décisions individuelles d’attribution des logements devraient être mutualisées entre réservataires, sous l’égide des conférences intercommunales du logement ». Par ailleurs, il préconise de fixer l'objectif de construction neuve à partir d'une approche territorialisée des besoins.
De plus, le parc social se révèle « souvent inadapté »  aux besoins réels des demandeurs. Les zones tendues concentrent ainsi 73 % de la demande de logement social alors qu’elles ne disposent que de 53 % de l’offre et que loyers les plus bas se situent à 61 % dans les zones détendues.
Jugeant le système pas assez sélectif (les deux tiers de la population sont éligibles au parc social), la Cour propose donc d’abaisser les plafonds de revenus dans les zones tendues afin de mieux cibler les publics modestes.
Les magistrats financiers constatent également que la construction de nouveaux logements sociaux ne répond pas de façon « suffisamment ciblée »  aux besoins des ménages défavorisés. Elle n’est ni le levier « le plus efficace »  ni « le plus efficient ». Pour sortir de cette impasse, le rapport privilégie une gestion active du parc existant notamment en accroissant la mobilité des locataires : « Une amélioration d’un point du taux de rotation au sein du parc ou une diminution d’un point du taux de vacance représenteraient une offre annuelle équivalente à la construction de près de 50 000 logements par an, sans aucun coût pour les finances publiques ».
En outre, la Cour recommande de « renforcer sensiblement »  le supplément de loyer de solidarité (pour inciter les ménages qui ont dépassé le plafond de ressources à quitter le logement social) et d’introduire des « baux à durée limitée »  dans les zones tendues (afin d’éviter de « remettre les clefs à vie »  au bénéficiaire).
Dans sa réponse au rapport, la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a une analyse bien différente de celle de la Cour car, selon elle, « diminuer la production de logements sociaux et les plafonds de ressources nuirait à la mixité sociale et au droit au logement pour tous ».
A.W.

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