Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 10 octobre 2016
Terrorisme

Fiches S : Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas s'opposent à toute communication aux maires

Deux ministres, celui de l’Intérieur et celui de la Justice, sont revenus hier sur la demande exprimée par certains élus locaux ou parlementaires de communiquer aux maires l’identité des personnes faisant l’objet d’une fiche S présentes sur leur commune. Pour s’y opposer tous les deux.
Dans un entretien au Journal du dimanche, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a expliqué que les fichés S (pour sûreté de l'Etat) « sont surveillés et non judiciarisés, ce qui indique que leur dangerosité n'est pas avérée », et que « la communication d'une fiche S est impossible »  pour des raisons juridiques.
« Cette confidentialité est aussi la condition de l'aboutissement des enquêtes », poursuit-il en évoquant l'arrestation de 355 personnes en lien avec des réseaux terroristes depuis janvier. « D'un autre côté, nous devons trouver un dispositif qui permette d'associer les maires au processus de prévention et de déradicalisation et qui n'obère pas l'efficacité des services de renseignement – ce que les élus, dans leur immense majorité, comprennent très bien », assure également le ministre.
Invité de son côté du Grand rendez-vous Europe1/iTélé/Les Échos, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a demandé ce qu’allaient faire les maires de telles informations. « Il y a environ aujourd'hui 12 000 personnes fichées S pour radicalisme islamiste. Si l'on décrète demain matin que ces noms vont être transmis aux maires, que vont-ils en faire? Avec quels moyens les maires vont-ils faire une surveillance prolongée? Je pense que ce n'est pas efficace, je ne vois pas l'utilité de cela », a-t-il ainsi déclaré. « Le fichier S est un fichier de police, c'est pas S comme coupable, c'est S comme sûreté, on pourrait dire suspect », a ajouté Jean-Jacques Urvoas.
Dans les faits, tous les maires sont loin de réclamer qu’on leur communique le nom des personnes fichées S de leur commune. Mais plusieurs maires ou parlementaires, comme le sénateur Hervé Maurey, auteur d’une proposition de loi pour justement permettre aux maires de connaître les fichés S de leur commune, donnent régulièrement de la voix sur le sujet. Une voix d'autant plus médiatisée que la date de la prochaine élection présidentielle se rapproche.
Cette question devrait être aussi sans doute largement évoquée lors de la rencontre nationale Etat-collectivités (AMF, ADF, ARF) sur le thème de la prévention de la radicalisation qui se tiendra à Paris le 24 octobre prochain à la Cité des sciences et de La Villette. Certains maires pourraient peut-être y demander communication de l’identité de ces fichés S en tant qu’employeurs comme l’ont déjà demandée certaines grandes entreprises publiques. Lors d'une réunion avec le ministre de l'Intérieur, le 6 septembre dernier, les présidents des trois associations d'élus « n'ont pas demandé la transmission systématique des fiches S mais un meilleur échange d'informations entre les maires et les procureurs sur le sujet », confie-t-on ce matin à l'AMF. Le groupe de travail Etat-collectivités créé à la suite de cette rencontre devrait tenir sa première réunion place Beauvau cette semaine. 
Pour leur part, l’Etat et l’AMF ont déjà signé le 19 mai dernier une convention de partenariat sur la prévention de la radicalisation violente (lire Maire info du 20 mai). Objectif de cette convention : renforcer le partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales afin que ces dernières « puissent intervenir en complémentarité de l’action engagée par l’Etat »  dans le cadre du Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (Part).
C.N.

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