Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 7 septembre 2016
Migrants

Accueil des réfugiés : la nécessaire concertation avec les élus locaux

Après les manifestations qui ont eu lieu à Calais, lundi, les questions liées à l’accueil des réfugiés sont restées, hier, au cœur de l’actualité, avec d’une part l’annonce de la création de centres de répit à Paris, et l’incendie apparemment criminel d’un futur centre d’hébergement dans l’Essonne.
Lorsque l’on parle de la « Jungle »  de Calais, il est devenu courant de la désigner comme « le plus grand bidonville de France ». Quarante ans après le démantèlement des indignes bidonvilles de Nanterre, Champigny ou Nice, on ne peut que constater que réapparaissent en France – 6e pays le plus riche du monde – ces camps insalubres où s’entassent des milliers de personnes. Avec, en toile de fond, un véritable casse-tête politique et social, entre exaspération des riverains, désarroi des élus locaux, manque de moyen des associations et politique parfois peu lisible de l’État.
Si, d’un côté, la revendication des élus locaux et des acteurs économiques de la région de Calais est claire – démantèlement de la Jungle et évacuation de ses occupants – la question essentielle qui en découle n’est toujours pas résolue : que faire de ces quelque 9000 personnes qui peuplent aujourd’hui le bidonville ? Une partie des migrants évacués de Calais se retrouvent aujourd’hui à reformer des camps de fortune sur les trottoirs de la capitale où, mois après mois, la préfecture procède à des évacuations de camps… qui réapparaissent aussitôt quelques centaines de mètres plus loin. Selon les associations humanitaires, les évacuations à Paris ont concerné 14 000 personnes depuis le début de l’actuelle crise des migrants.
C’est pour résoudre ce problème que le gouvernement a souhaité que se multiplient les structures d’accueil, avec un triple objectif : 3000 places supplémentaires en CAO (centre d’accueil et d’orientation), également appelés centres de répit, 8 600 places en Cada (centres d’accueil pour demandeurs d’asile) et création de nouveaux CHU (centres d’hébergement d’urgence).
Chacune de ces structures correspond à des finalités différentes. Les CAO sont des structures hyper-temporaires, puisqu’elles ne sont censées accueillir les réfugiés qu’entre quelques jours et quelques mois, le temps de les orienter vers d’autres structures plus pérennes. Il existe aujourd’hui 168 CAO répartis dans 78 départements, dont les quatre cinquièmes ont ouvert depuis moins d’un an. Ce sont des tels centres provisoires qui vont ouvrir à Paris, comme l’a annoncé hier la maire de Paris, Anne Hidalgo : l’un, réservé aux hommes, à Paris même, et le second, destiné aux familles, en proche banlieue, à Ivry-sur-Seine. L’ouverture de ces centres répond, pour Anne Hidalgo, à un objectif clair : empêcher la formation de camps de fortune sur les trottoirs.
Mais cela sera-t-il suffisant ? Une fois le délai passé, il faut encore que les réfugiés aient un endroit où aller. C’est ici qu’interviennent, pour eux qui déposent une demande d’asile, les places en Cada, en AT-SA (accueil temporaire – service de l’asile) ou en CHU – centres d’hébergement d’urgence, gérés par les associations. C’est l’un de ces CHU, prévu pour accueillir une centaine de personnes, qui a été très dégradé par un incendie, hier, à Forges-les-Bains dans l’Essonne. Selon la gendarmerie, il apparaît « probable »  que l’incendie soit volontaire, ce que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a qualifié dans un communiqué « d’acte abject ».
Reste la question, absolument essentielle, de la coopération entre les élus et les services de l’État sur ces questions. Et elle semble loin d’être toujours idéale. On apprend par exemple ce matin, par un communiqué de la mairie de Forges-les-Bains, que la commune n’avait même pas été consultée à propos de l’ouverture sur son territoire d’un CHU – ce qui ne met évidemment pas la mairie en position favorable pour faciliter l’acceptation d’une telle décision par les habitants. De même, l’AMF fait état de la situation de nombreux maires mis devant le fait accompli et prévenus, parfois seulement 48 h ou 24 h à l’avance, de l’arrivée de migrants – souvent évacués de Calais ou de Grande-Synthe – dans des locaux situés sur leur commune. « Certes, explique ce matin à Maire info Nelly Deniot, responsable du département Action sociale de l’AMF, dès lors que ces structures ne sont pas financées par la commune, un accord du maire n’est pas formellement nécessaire. Mais la concertation est essentielle : même avec la meilleure volonté du monde, les maires prévenus au dernier moment sont pris au dépourvu, et le manque de concertation les empêche de faire de la pédagogie vis-à-vis de la population, de vérifier si le territoire est bien adapté à l’accueil. » 
De la même façon, certains maires s’inquiètent du fait que le gouvernement semble s’orienter – c’est en tout cas ce que laissent penser les récents propos de la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse – vers des réquisitions forcées de locaux, « au besoin ». On peut rappeler qu’il y a un an, le gouvernement s’était clairement engagé auprès de l’AMF à rester, en matière d’accueil, sur une stricte logique de volontariat. Est-on peu à peu en train de glisser de cette logique de volontariat vers une démarche plus coercitive ? Les mois qui viennent devraient le dire.
F.L.

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