Maire-info
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Édition du mardi 18 septembre 2018
Santé publique

Terrains synthétiques : l'Anses juge le risque « négligeable » pour la santé mais incertain sur l'environnement

Suite à un reportage assez alarmiste de l’émission Envoyé spécial, en février dernier, de nombreux élus avaient fait part de craintes quant aux dangers potentiels pour la santé de l’usage de granulats en caoutchouc recyclé pour l’installation de terrains de sport en revêtement synthétique (lire Maire info du 28 février). Le gouvernement avait alors saisi l’Anses sur cette question. L’Agence publie ce matin son rapport. Verdict : un risque « négligeable »  pour la santé, mais des inquiétudes pour l’environnement.
Environ 3000 terrains sportifs « de grande dimension »  sont fabriqués, en France, à base de granulats issus du recyclage de pneus. Par ailleurs, un nombre non documenté (mais bien plus important) d’aires de jeu font appel à la même technique. Étant principalement destinées aux enfants, celles-ci font naturellement l’objet d’une surveillance particulière. Plusieurs associations et collectivités territoriales ont donc fait appel à l’Anses sur ce sujet, avant même la saisine officielle du gouvernement le 21 février dernier.
L’Anses, dans son étude publiée ce matin, rappelle que les aires de jeu comme les pelouses en gazon synthétique font appel à la même technique : pour une partie d’entre eux, la couche « amortissante »  est constituée de granulats de type « SBR »  (Styrene-Butadiene rubber), issus de la collecte de pneus usagés. Pour ce qui est des pelouses synthétiques, les brins « d’herbe »  en plastique sont noyés dans des granulats SBR. L’Anses rappelle également que les gazons synthétiques sont plus chers à l’installation que les gazons naturels, mais moins chers à l’entretien – et naturellement plus économes en eau : un terrain de foot synthétique permet d’économiser jusqu’à 4 millions de litres d’eau par an.
L’usage de ces matériaux présente-t-il des risques sanitaires ? L’Anses souligne que la médiatisation récente de cette question et l’évocation de « risque de cancers »  ont poussé des élus à « geler les marchés publics »  liés à l’installation de terrains synthétiques. Du côté des industriels, on n’hésite pas à parler de « psychose collective »  et de « désinformation ».

Un risque sanitaire jugé « peu préoccupant » 
L’Agence a compilé les données d’une « cinquantaine »  d’études internationales sur ce sujet. Des études qui ont notamment tenté de corréler l’exposition à ces substances avec l’apparition de cancers. Bilan : les risques de cancer sont « négligeables ». En revanche, plusieurs études pointent un léger risque « d’irritations oculaires et respiratoires »  provoquées par les composés organiques volatils (COV) émis par les granulats, notamment dans les terrains indoor (en salle). L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) recommande donc d’édicter quelques règles supplémentaires pour faire face à ce risque – comme, tout simplement, le fait de se laver les mains après chaque match.
Plus inquiétant, car moins documenté, est un éventuel risque d’exposition aux nanomatériaux utilisés dans la fabrication de pneus. Le problème rencontré par les chercheurs est le peu de connaissance sur la teneur exacte des pneus en nanomatériaux, « le secret industriel entourant la composition des constituants de pneumatiques », précise l’Anses, qui préconise des études plus poussées dans ce domaine.
Dans l’ensemble, l’Agence conclut donc à un « risque sanitaire négligeable ».
Pour ce qui est des conséquences environnementales en revanche, l’Anses est un peu plus réservée : le « lessivage »  des terrains par la pluie (le mot savant est « lixiviation » ) peut provoquer la dissémination dans la nature de produits nocifs pour les écosystèmes. L’Anses estime que les données actuelles sont « insuffisantes »  pour caractériser ce risque.
En conclusion, l’Anses estime qu’il sera nécessaire d’acquérir « davantage de données »  sur la composition exacte des pneus recyclés, notamment sur les nanoparticules. Elle juge qu’il faudra également travailler à une « méthodologie »  permettant d’évaluer les risques environnementaux, cette évaluation devant, idéalement, « être réalisée localement avant toute mise en place de ce type de revêtement ». Elle va maintenant « discuter »  de ces propositions avec les ministères concernés.
Reste une question : s’il apparaît normal que les produits à base de matériaux recyclés fassent l’objet des mêmes contrôles sanitaires que les produits à base de matériaux neufs, avoir, en revanche, des exigences de contrôle supérieures pour les matériaux recyclés pourrait porter un véritable coup au recyclage. Quand on sait que la seule alternative au recyclage des pneus est l'incinération en cimenterie, la question mérite d'être posée.
F.L.
Télécharger l’étude de l’Anses.

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